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bûcherons occupaient leur petit village de Steierdorf, lorsque l’un d’eux, Mathias Hammer, en 1790, découvrit aux environs les premiers gisemens de houille. On n’y fit pas d’abord grande attention ; c’étaient des houillères insignifiantes aux yeux de ces bûcherons, et ils les exploitaient seulement à leurs momens perdus. Bientôt pourtant, d’autres gisemens ayant été découverts, l’état fit des concessions de terrain à des particuliers moyennant une part dans les bénéfices. Les travaux se développèrent, mais avec lenteur, et c’est seulement dans ces quinze dernières années qu’on a compris l’importance des mines de Steierdorf. De 1846 à 1859, la population du village, qui était à peine de huit cents âmes, s’est élevée à plus de trois mille. De grandes et nombreuses industries se rattachent d’ailleurs à l’exploitation de ces houillères ; toute cette partie des Carpathes est riche en minéraux : le fer, le cuivre y abondent, et à une petite distance de Steierdorf, dans la vallée d’Anina, travaille nuit et jour une forge immense alimentée par toutes ces richesses réunies.

Ce rapide développement est dû surtout à la compagnie du chemin de fer, qui, établie là depuis un certain nombre d’années, a fini par devenir propriétaire de toutes les mines et de toutes les forges de cette ligne des Carpathes. C’est le 1er janvier 1855 que la compagnie a joint cette grande exploitation à celle dont elle était chargée déjà ; voilà sept ans qu’elle est à l’œuvre, et les voix les plus autorisées n’hésitent pas à la proclamer la bienfaitrice du pays. M. de Berg, si bien initié lui-même à tout ce qui concerne les forêts et les mines, est ému d’admiration lorsque, comparant les parties mortes du Banat avec ces districts où règne l’industrie, il voit la dignité de l’homme se relever avec le travail. Il est vrai que la compagnie est animée des intentions les plus libérales, et que son gérant, le directeur de toutes ses entreprises, M. Dubocq, semble avoir les grandes qualités d’un fondateur de colonie. C’est lui qui appelle de toutes parts les colons et qui sait leur faire aimer ces montagnes. Son organisation des maisons ouvrières et des pensions de retraite atteste une sollicitude paternelle unie à l’esprit le plus pratique ; il s’occupe aussi avec un zèle admirable de l’éducation intellectuelle et religieuse des ouvriers ; il fonde des écoles, il construit des églises, tout cela au nom de la compagnie, qui se charge de payer les instituteurs et de pourvoir aux frais du culte. N’oubliez pas que M. de Berg est un esprit grave, un juge compétent et sévère, dont le témoignage ne saurait être suspect. Quand on vient de voir les baillis, les juges, les popes, qui dégradent à plaisir ces nobles populations slaves et roumaines, les mines de Steierdorf et les forges d’Anina semblent le seuil d’un monde privilégié.

Après son voyage dans le Banat, M. de Berg a voulu voir aussi