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coup le Conservatoire des Arts et Métiers, l’École polytechnique, le Bureau des longitudes, les expositions de l’industrie, et ce merveilleux système métrique qui est déjà presque devenu l’instrument du commerce universel. On avait mis à l’étude un système complet de navigation intérieure, et le plan, dressé sur la plus vaste échelle par l’ingénieur Maragon, député de l’Aude, admettait l’ouverture de cent canaux et la restitution de plusieurs rivières au commerce national.

L’importance des travaux et des études minéralogiques était profondément sentie. Attendre les gens désireux de s’instruire, cela aurait été trop long. On était pressé, on courut au-devant d’eux. Un corps d’officiers des mines fut créé, avec mission de parcourir les départemens, d’y répandre l’instruction, d’en signaler les ressources. Ils donnaient des leçons orales en hiver, dirigeaient des explorations pendant l’été, avisaient à fonder des cabinets d’échantillons, des laboratoires, de petites bibliothèques spéciales. On devait se concerter pour produire une description minéralogique de la France. Pour centraliser les renseignemens utiles, on fonda le Journal des Mines, qu’on envoyait gratuitement aux savans français, aux étrangers, aux exploiteurs des mines qui en faisaient la demande. Écoutez en quels termes le comité de salut public annonce cette publication : « La liberté prête de nouvelles forces comme de nouvelles vertus aux peuples qui combattent pour elle. À sa voix, le salpêtre est sorti de nos souterrains. Cette voix puissante va retentir jusque dans les entrailles de la terre. Les républicains y trouveront ce que la politique des autres peuples leur refuse : du fer et de la houille. Voilà surtout ce qu’exigent les circonstances. Laissons les peuples amollis par la servitude donner le nom de précieux aux métaux brillans et rares : ce qui est précieux pour nous, c’est ce qui sert à nous défendre. »

Les idées de spéculation, d’accaparement personnel, semblaient effacées des esprits, et quand le pouvoir signale une entreprise qui peut devenir lucrative, c’est au sentiment patriotique qu’il s’adresse. Par exemple, à l’occasion des mines d’Alais, qui valent tant de millions aujourd’hui, le gouvernement invite les hommes industrieux à ne pas négliger ce trésor ; il en facilitera autant que possible l’exploitation. Quand une compagnie se forme, ce n’est pas par l’amorce des gros dividendes qu’on attire l’actionnaire : on lui parle de ce qu’il doit à la patrie. Un charbonnage du Pas-de-Calais, exploité pendant plusieurs années avec profit, avait été fondé en 1794 par actions de 500 livres, subdivisées en très petites coupures. Suivant le Journal des Mines, « les citoyens qui n’avaient pas assez de fortune pour offrir à la patrie le montant d’une action se sont coti-