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gloire, démembraient les corps des nations en étouffant leurs âmes sous la pierre du tombeau. — Par la volonté de Dieu, sur cette terre de Dieu, les corps et les âmes des nations ne seront plus séparés. »

Tels étaient les pressentimens, telles étaient les nouvelles qui parcouraient alors le monde livré à la violence et à la douleur. — Et nous, Polonais, nous savions bien que ce Messie, qui sur les flots orageux des événemens terrestres allait apporter la paix et la satisfaction aux nationalités, n’était autre que notre sainte Pologne ; — car de la croix de son martyre tant de sang a coulé, que ce sang a racheté l’enfer de ce monde ! — Oh ! oui, j’avais cette croyance que mon peuple, après les labeurs de la mort, allait déployer ses ailes et saisir le glaive du miracle pour les labeurs de la vie.


XVIII

Combien de fois, — ah ! peut-être trop tôt, — j’ai vu en songe le dieu des résurrections ! — Point de plaies, pas de sang sur son corps. On dirait un autre Christ, et cependant c’est le même Christ resplendissant pour l’éternité. — Sa face est comme le soleil, — et, plus blanche que la neige, sa robe le soutient dans sa course aérienne, — et il baigne dans l’aube des mondes naissans ses mains déclouées, transfigurées !


XIX

Et lentement, très lentement, derrière l’Homme-Dieu s’avance éblouissante de beauté et sans traces de la mort ma Pologne bien-aimée. — Elle s’arrête sur le seuil de la Sion promise à tous les peuples, — et de ces hauteurs sacrées sa voix retentit, s’adressant aux autres nations assemblées bien loin, bien bas, au fond de l’espace : « A moi, à moi, ô vous, races fraternelles ! La dernière lutte du dernier combat est terminée, — les pièges des trahisons et des mensonges terrestres sont détruits. — Montez avec moi dans le royaume de la paix. » — Et le chœur des nations lui répond : « Bénédiction et gloire à toi, ô Pologne ! car, bien que nous ayons toutes souffert, — toi tu as supporté plus de tourmens qu’aucune de nous. — Par l’énormité des injustices accumulées sur toi, tu tenais constamment l’ennemi sous la foudre de Dieu ! — Durant ton martyre, tu puisais dans ton cœur une vie plus puissante que celle de tes oppresseurs, — et par ton sacrifice tu nous as sauvées. — Bénédiction et gloire à toi, ô Pologne ! »


XX

Oh ! bien souvent, pendant une sombre nuit d’automne, la voix de ma mère ou celle de quelque ancêtre sort du tombeau et monte jusqu’à moi pour me parler de l’avenir. — Et voilà qu’à ce bruit mystérieux des visions m’apparaissent. — Le chant de triomphe s’élevant