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décidé par les votes de MM. Stanley et Andrews, deux hommes du sud, et ratifié par le président Tyler, qui est aujourd’hui parmi les sécessionistes. Quand ce tarif fut aboli en 1846, M. Stephens, le vice-président actuel de la confédération du sud, et M. Robert Toombs, qui récemment a accepté un commandement dans l’armée de M. Jefferson Davis, votèrent contre la loi. Ce même M. Toombs, qui se trouvait encore au sénat comme représentant de la Géorgie au moment où le tarif Morill fut soumis à cette assemblée, vota pour les nouveaux droits. En réalité, la question des tarifs est assez indifférente aux états du sud par la simple raison que les importations y sont très peu considérables. Le croirait-on ? celles de Charlestown ont été en 1855 plus faibles que dans l’année 1760 ; elles s’élevaient en 1760 à 2,662,000 dollars, et ne montaient qu’à 1,750,000 dollars en 1855, sous l’empire du régime économique très libéral antérieur au tarif Morill. Beaufort, dans la Caroline du nord, a un port excellent, capable de contenir autant de navires que celui de New-York ; c’est à peine si les navires étrangers le connaissent, et Beaufort n’est qu’un misérable village, tandis que New-York est une métropole magnifique. C’est le nord qui emmagasine presque toutes les importations. Philadelphie, qui n’y occupe que le quatrième rang parmi les villes commerciales, a reçu en 1855 pour 21,963,021 dollars de marchandises ; le petit état seul de Massachusetts a exporté en 1853 pour 16,895,304 dollars et importé pour 41,367,956 doll. à la Nouvelle-Orléans, les importations, en 1848, atteignirent le chiffre de 9,320,439 dollars, et la même année nous trouvons dans les documens officiels, pour la ville de New-York, le chiffre décuple de 94,525,141 dollars. Mobile, en 1849, n’a reçu de l’étranger que pour 657,147 dollars de marchandises. Le général Jackson, qui avait réprimé avec tant d’énergie le mouvement de la Caroline du sud, connu sous le nom de nullifîcation, avait très bien compris que les réclamations contre le tarif couvraient un dessein politique. « Le tarif, écrivait-il à son ami le révérend M. Crawford, de la Géorgie, n’est qu’un prétexte ; la désunion et la confédération du sud sont l’objet véritable. Le prochain prétexte sera la question de l’esclavage. » Son coup d’œil politique ne lui avait pourtant fait deviner qu’une partie de la vérité : l’esclavage ne devait pas être, comme le tarif, un simple prétexte ; il devait être la cause d’une révolution.

S’il est établi que le sud combat en ce moment pour ce qu’il appelle son institution particulière, il n’est pas aussi facile de montrer que le nord combat contre cette institution. D’un côté le cri de guerre est l’esclavage, de l’autre c’est l’union, la constitution ; mais le développement même de la guerre doit nécessairement engager le nord dans des mesures de plus en plus hostiles à l’esclavage et faire pénétrer plus profondément dans l’opinion le sentiment abolitioniste.