Vous croyez, Bernard ?
Je crois !… non, je ne crois plus, puisque tu me reçois si froidement. J’aurais voulu et je voudrais croire, mais je sais bien que j’ai tout fait pour que tu me méprises, pour que tu me détestes. Je le sais si bien, Francine, et j’en suis si honteux, j’en ai tant eu de chagrin et de colère contre moi que tu ne devrais pas me faire des reproches. Ah ! les reproches, vois-tu !… frappant sur sa poitrine ils sont là ; y en a lourd comme une montagne, et si tu pouvais voir le fond de mon cœur, tu aurais plus de pitié que de rancune !
Je n’ai pas de rancune. Je suis contente que vous soyez redevenu honnête homme et bon sujet… J’en remercie le bon Dieu, mais…
Mais ça n’est pas une raison pour m´aimer ! Oui, je sais ça ! pourtant !…
Pourquoi donc voulez-vous que je vous aime ?
Parce que je t’aime toujours, moi ! parce que je t’ai toujours aimée, même dans le temps où je te faisais souffrir. Ah ! si tu savais… Mais tu ne comprendrais pas ça, toi qu´es si raisonnable ! tu dirais que je suis fou. Eh bien ! prends que je l’ai été… C’était ça ! une idée, une histoire de sorcier, de bonne aventure…
C’est donc vrai aussi, ça ? On t’avait prédit…
Tout ce qui m’est arrivé ! Alors l’ambition m’a tourné la tête, je voulais voir du pays, faire la guerre, avoir ça ! il montre la croix. Et comme ça m´enrageait de te quitter… Eh bien ! le diable s’est mis dans ma vie, et je suis devenu pire qu’un chien !…Mais à présent !… Oh ! ça n’est plus ça, Francine, mets-moi à quelle épreuve que tu voudras, et je réponds de moi !
Mon père va rentrer, Bernard, vous ne pouvez pas rester ici !
Pourquoi ça ? Tu crois qu’il ne voudra pas m’entendre ? Oh ! que si ! J’aurai pas honte de me confesser, j’endurerai les reproches, je me soumettrai à tout !
Et ma mère I elle vous pardonnera ?
Oh ! celle-là, oui ! Une femme si bonne, si patiente ! un cœur si