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la chose aussi bien que le mot peuvent, à certaines heures, avoir du bon. M. de Beust a fait cet été un voyage à Vienne ; à son retour, il s’est arrêté à Munich, et c’est dans ces visites politiques que son plan de réforme fédérale aurait été mûri et concerté. Voici quel serait à peu près le programme de M. de Beust. On sait combien la diète germanique est difficile à manier et lente dans ses mouvemens ; on sait qu’à chaque question importante qui s’élève, les envoyés qui la composent sont obligés de recourir aux instructions de leur gouvernement, à la place de ce mécanisme, qui n’était bon qu’à enrayer, on voudrait substituer une institution plus souple et plus prompte dans ses mouvemens, autonome pour ainsi dire. Cette institution se composerait d’un directoire centralisant le pouvoir exécutif et contrôlé par deux chambres. Le directoire serait formé de trois membres : un représentant de l’Autriche, un représentant de la Prusse et un représentant des états secondaires. La présidence appartiendrait à tour de rôle à chacun des trois membres, et le directoire siégerait alternativement à Vienne, à Berlin et à Francfort. Des deux assemblées, l’une, composée des délégués des divers gouvernemens, serait considérée comme une chambre haute ; l’autre, la chambre populaire, serait recrutée parmi les législatures des états confédérés. Cette représentation aurait à voter les dépenses fédérales, à surveiller l’emploi des fonds fédéraux, à se prononcer sur les questions d’intérêt général en matière de douane et de commerce. Enfin un tribunal fédéral serait chargé de vider les querelles des états entre eux, ou de se prononcer sur les conflits qui peuvent s’élever entre les gouvernemens et leurs parlemens. Tels sont les principaux traits du plan que l’on attribue à M. de Beust. La nouvelle organisation tendrait à resserrer le lien fédéral, à établir une solidarité plus étroite entre les diverses parties de l’Allemagne. Il donne prise sans doute à de graves objections pratiques qu’il serait prématuré de mettre en relief. Sera-t-il accepté par l’Allemagne entière ? Approuvé par l’Autriche, il court grand danger d’être repoussé par la Prusse ; mais à quoi serviraient aujourd’hui les conjectures hypothétiques ? Nous avons voulu seulement constater un sérieux symptôme. L’ancien système de la confédération est condamné aujourd’hui, même par ceux qui avaient été ses plus obstinés défenseurs. Le mot de réforme fédérale est prononcé, et c’est par M. de Beust lui-même. Reçue dans la place par un tel introducteur, l’idée de réforme ne saurait manquer de faire un rapide chemin.

Certes, à quelque parti qu’ils appartiennent, à quelque tendance qu’ils s’abandonnent, les Allemands ont raison de songer à prendre des mesures pour conjurer parmi eux les perturbations intérieures et pour condenser leurs forces. C’est aux confins mêmes de l’Allemagne que s’opère en ce moment ce mystérieux et rapide travail de déchirement dont il nous est impossible de détourner nos regards. Les affaires de Hongrie ne font point un pas vers un arrangement. Après la protestation et l’adjuration adressées à l’empereur d’Autriche par le cardinal primat de Hongrie, qui pourrait con-