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REVUE DES DEUX MONDES.

FRANCINE

Ah ! tu m’as encore fait peur, toi ! Tu étais donc là ? Qu’est-ce que tu veux ?

LE DRAC

Je veux que tu renonces à Bernard !

FRANCINE

Eh ! de quoi te mêles-tu ?

LE DRAC

Francine ! je t’aime !

FRANCINE

Toi ? par exemple ! à ton âge !

LE DRAC

Je n’ai pas d’âge, Francine, je suis de ceux qui ne meurent point.

FRANCINE

Qu’est-ce que tu chantes là ? Tu deviens fou ?

LE DRAC

Francine, tes yeux te trompent ! Je ne suis pas l’orphelin que ton père a recueilli. Nicolas est parti ce matin ; il ne reviendra plus !

FRANCINE

Mais qu’est-ce que tu me dis donc ? Tu dis que Nicolas est parti, et c’est lui qui me parle ? Tu ne te connais donc plus toi-même ? Tu auras eu quelque grande peur qui t’a fait perdre l’esprit.

LE DRAC

L’orphelin n’est plus, et moi, Francine, moi qui t’aime, j’ai pris sa figure.

FRANCINE

Tu as pris… Mais qui est-ce que tu prétends être ?

LE DRAC

Je suis le drac, Francine, le drac du cap Mouret.

FRANCINE, effrayée

Toi ?… Tiens, j’ai peur de tes yeux !… Tu n’as pas tes yeux des autres fois… Tu as la fièvre !

LE DRAC

Malheur ! je n’avais pas prévu qu’elle ne voudrait pas, qu’elle ne , poui’rait pas me croire !

FRANCINE, à part.

C’est qu’il ne parle plus comme il a coutume de parler !Haut. Où prends-tu tout ce que tu dis ?

LE DRAC

Dans une nature supérieure à la tienne. Voyons, pour me croire il te faut des preuves ?

FRANCINE

Quelle preuve peux-tu me donner ?