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confiscations, et une autre loi avait prononcé déjà que tous les biens non vendus seraient restitués aux anciens propriétaires. Le genre de liquidation adopté contrariait surtout un plan de régénération sociale au moyen du clergé, à qui on aurait attribué un riche domaine forestier pour garantir son indépendance et le rémunérer des soins qu’il aurait donnés à l’éducation publique. Ces provocations imprudentes faisaient beau jeu aux ennemis du nouveau régime : la crainte et la colère grondaient au foyer des innombrables familles entre lesquelles la révolution avait émietté les biens nationaux.

Le gouvernement royal, moins embarrassé peut-être de ses adversaires que de ses fougueux défenseurs, considérait donc la session de 1814 comme perdue pour le progrès administratif. Peut-être même lui répugnait-il de confier l’étude des questions d’avenir à une assemblée élue sous le règne précédent. Lorsque les projets concernant les douanes furent mis en discussion dans les deux chambres, il ne s’agissait que de pourvoir aux souffrances du moment, et non pas d’introduire un système définitif. L’intention nettement énoncée était non pas de généraliser les prohibitions, mais de sauvegarder l’industrie française pendant la crise par des droits fortement protecteurs. La délibération relative aux fers, longue et animée, mit en lumière beaucoup de faits instructifs. Les maîtres de forges n’osaient pas demander qu’on donnât un caractère légal à cette espèce de monopole que la guerre avait institué en leur faveur. Ils obtinrent seulement une protection équivalant à 50 pour 100 de la valeur des marchandises avec des dispositions accessoires très favorables. Les fontes ne furent admissibles que sous la forme de blocs énormes ; les fers bruts furent exclus, et les fers déjà travaillés taxés à 16 fr. 50 cent, par 100 kilogrammes.

On prohiba les produits des raffineries qui avaient cessé d’être françaises. Les fils et tissus étaient soumis à un régime étrange. Le règlement de 1806, en leur accordant un tarif protecteur, avait laissé subsister les prohibitions absolues prononcées pendant la fièvre révolutionnaire contre les fabrications des pays en guerre contre la France. La loi funeste de l’an V, qui pendant dix-huit ans avait affranchi nos manufactures de la concurrence britannique, se trouvait abrogée de fait par la paix ; mais pendant cette période les industries anglaises, surtout celles de coton, avaient acquis une supériorité décisive. Il eût été cruel de livrer tout à coup nos manufacturiers aux périls d’une concurrence écrasante : on ne pouvait pas non plus laisser en dehors du droit commun l’Angleterre, dont le gouvernement de la restauration devait rechercher la bienveillance. Il y avait un moyen d’écarter les Anglais sans trop les blesser : c’était de généraliser les lois d’exclusion, d’appliquer à tous nos