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parles, comment ne la connaîtrais-je pas, moi qui converse à toute heure avec eux ? Quant à deviner ta pensée… Non ! tu es un esprit déchu ou enchaîné à quelque épreuve : j’obéis au chiffre sacré par lequel tu m’as évoqué.

LE DRAC

Alors pourquoi viens-tu ici sous cette figure ?

LE SPECTRE

Parce que je suis l’hôte assidu de cette chaumière, parce que ceux qui l’habitent m’appellent sans cesse sous la forme que voici, et que je me nourris des chimères de leur imagination ou des tourmens de leur pensée.

LE DRAC

Ah ! oui, l’amour de Francine, la haine de son père… Eh bien ! fais maudire et détester celui que tu représentes. Obéis-moi, je le veux !

LE SPECTRE

Quand j’obéis, c’est à ma guise ; nul ne gouverne ma fantaisie. Va-t’en !

LE DRAC

Oui, car je veux agir de mon côté ! Il me faut ici plus d’une victime ! A nous deux, Bernard ! il sort.


Scène VII

SCÈNE

LE FAUX BERNARD, FRANCINE, endormie.
LE FAUX BERNARD, brusque et l’air dur.

Allons, la belle, éveille-toi !

FRANCINE, s’éveillant.

Bernard !… Ah ! comment es-tu ici ?

LE FAUX BERNARD

Ton père m’a envoyé chercher, ton père me pardonne.

FRANCINE

Est-ce possible ? Déjà ! Oui, voilà ce que je rêvais ; mais je crois rêver encore. Est-ce bien toi qui es là ? J’ai donc dormi longtemps ?

LE FAUX BERNARD

Je n’en sais rien, moi ! Pourquoi me regardes-tu d’un air effaré ? on dirait que tu ne me reconnais pas ?

FRANCINE

C’est que… ta figure est changée depuis tantôt ! Tu es pâle, et tu m’annonces d’un air triste et méchant la bonne nouvelle. Qu’est-ce qu’il y a donc ?

LE FAUX BERNARD

Il y a, … il y a, Francine , que je ne sais pas si tu m’aimes !