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d’un Dieu unique. La raison et la morale semblaient ainsi favoriser la superstition.


II

Le christianisme apparut dans un monde ainsi tourmenté par des illusions diverses. Les adversaires véritables de la religion n’étaient ni le polythéisme expirant, ni le pouvoir indifférent d’ordinaire, ni la philosophie, mais les sorciers et les magiciens. C’est pourtant contre les premiers surtout qu’ont d’abord combattu les chrétiens, qui trouvèrent plus commode et plus utile d’employer la puissance des magiciens sur les âmes que de la démontrer fausse. Les preuves négatives sont toujours plus difficiles à trouver que les positives. La plupart des premiers chrétiens avaient du reste peu de répugnance à croire aux prodiges ; ils ne niaient donc pas le pouvoir des magiciens, mais l’attribuaient à des démons malfaisans. Tandis qu’ils n’auraient dû se fier qu’à l’autorité d’une doctrine sage, d’une morale élevée et généreuse, de sentimens égaux en désintéressement, supérieurs en pureté à tout ce que l’antiquité offrait de plus noble et de plus séduisant, quelques-uns eurent la faiblesse de prétendre à leur tour posséder un pouvoir magique supérieur à celui des magiciens, et de lutter contre eux. Or combattre, redouter, blâmer une puissance, c’est la reconnaître, et les premiers succès de la religion nouvelle ne furent pas toujours des défaites pour la superstition. Le peuple juif d’ailleurs, tout monothéiste qu’il fût, avait un germe de crédulité comparable à celui des nations auxquelles, converti au christianisme, il venait prêcher la vraie foi. Il avait sans cesse été tourmenté par des épidémies d’idolâtrie qui ne disparaissaient pas entièrement durant ses jours de raison. La pythonisse que consultait Saül n’était ni la première ni la seule de sa profession qui eût joué un rôle dans l’histoire juive. Il y avait à Jérusalem des sorciers et des devins. M. Maury a très justement remarqué que la doctrine des anges était étrangère à la vraie religion des Juifs ; mais il faut ajouter qu’elle s’y était dès longtemps introduite, sous les influences diverses auxquelles ce singulier peuple ne savait pas résister, avec les idolâtries que quelques tribus prenaient et quittaient tour à tour. Dans leurs momens de confiance au Dieu véritable, les divinités étrangères n’étaient pas toujours pour eux de vains simulacres. Lorsqu’Athalie dit à Joas :

J’ai mon dieu que je sers, vous servirez le vôtre,
Ce sont deux puissans dieux !


elle exprime une idée naturelle à l’antiquité tout entière. Le monothéisme et l’intolérance des Juifs subissaient des éclipses fréquentes