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de nouvelles de celui qu’elle appelait son sauveur, et elle envoya ses fils au Fori. Ils trouvèrent Michel dans un état de faiblesse extrême et presque sans connaissance. Un jour plus tard, et le pauvre garçon mourait de faim et de froid. Le même soir, la bonne femme s’asseyait au chevet du malade, et tout péril était bientôt écarté par ses soins vraiment maternels, secondés par la vigoureuse constitution du charbonnier. Le printemps approchait ; ses premiers souffles favorisèrent la convalescence du jeune homme et lui versèrent promptement de nouvelles forces.

Le dimanche des Brandons est connu sous d’autres noms dans le Jura, et en particulier sous celui de fête des Chevânes. Les chevânes sont les feux allumés sur les hauteurs en l’honneur des mariés de l’année. Cette coutume s’observe encore dans beaucoup de villages jurassiens. Le soir de cette fête, tout ce qu’il y avait dans Alaise de garçons et de filles s’achemina vers les Montfordes, où avaient été dressés autant de mâts chargés de fagots que le curé avait béni de couples cette année-là. Force barils de vin avaient été apportés aux frais des nouveaux époux, et aussi, selon l’usage, les pois grillés. Cyprienne et Gaspard étaient de la fête. Michel avait résolu de n’y point prendre part ; mais il fut entraîné malgré lui par quelques jeunes gens. Après une première libation, le feu fut mis aux chevânes, qui remplirent tout à coup de lueurs la forêt et le ciel. Tous alors, garçons et filles, la main dans la main, entonnèrent, en dansant autour des feux, une ronde chantée tantôt par le chœur tout entier, tantôt seulement par un des coryphées :

La mariée est douce et fraîche,
Le marié riche et galant ;
Sept gros bœufs mangent à leur crèche,
Et sept cabris qui vont sautant,
Et de vaches trois fois autant.
Sautez, cabris, bergers, bergères ;
Sautez pour les nouveaux époux ;
Chantez vos refrains les plus doux ;
Montez au ciel, flammes légères,
Feux de l’amour, allumez-vous !

Aux mariés bonheur et joie,
Ciel sans nuage, amour sans fin !
Que leur fenil sous l’herbe ploie,
Que leur grenier soit toujours plein,
Plein de fruits doux et plein de grain !
Qu’ils aient tous les bonheurs ensemble !
Fasse bientôt l’heureux époux
Sauter gaiment sur ses genoux
Un gros garçon qui lui ressemble !
Feux de l’amour, allumez-vous !