Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/606

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que dura le 13 mars, s’était-il formé autour de M. Perier des élémens de résistance et comme un gouvernement de rechange qui, sans avoir la puissante unité du sien, fût cependant fort aussi et en état de continuer son œuvre ? On put en douter d’abord, non que l’attaque à force ouverte, l’insurrection démocratique, ne fût le 6 juin victorieusement repoussée, et que la royauté cette fois ne triomphât des barricades ; mais après la victoire, et au triste parti qu’en tira le pouvoir, on reconnut ses plaies cachées, les signes certains d’une faiblesse menaçante, et, comme le dit M. Guizot, « combien l’héritage de M. Perier était lourd et lui-même nécessaire à le garder ! » Il fallut donc chercher sérieusement une combinaison nouvelle qui réunît comme en faisceau les diverses nuances de la majorité des chambres représentées par leurs principaux chefs. Or c’est ici qu’on put craindre un instant que l’espoir d’un second 13 mars ne fût une chimère, tant la confusion semblait grande, tant les prétentions devenaient exclusives et la concorde malaisée ; mais à la fin, le bonheur s’en mêlant et secondant l’habileté du monarque, le 11 octobre 1832, à moitié par raison, à moitié par surprise, on vint à bout de faire une des coalitions les plus heureuses et les plus efficaces dont parlera l’histoire du gouvernement représentatif : association naturelle d’hommes très divers assurément d’esprit, d’humeur et d’origine, mais qui venaient de faire campagne ensemble en soutenant, chacun à sa manière et le plus puissamment du monde, v la politique de M. Perier.

Ici commence une phase nouvelle pour la monarchie de 1830, et, je dois ajouter, pour les Mémoires de M. Guizot.

La monarchie venait d’entrer dans les voies ordinaires du gouvernement représentatif. Le 13 mars avait été pour elle comme une crise salutaire, un remède héroïque, on pourrait presque dire une dictature libérale, tant le pouvoir, l’influence et l’action s’étaient exclusivement concentrés, non pas dans le conseil, mais seulement dans son chef. Il y avait là quelque chose d’exceptionnel et de nécessairement transitoire. Retrouver un pilote comme celui qu’on venait de perdre, en situation de porter seul le fardeau du commandement, on n’y pouvait songer. Ce qu’il fallait au navire pour continuer sa marche et braver les tempêtes qui l’attendaient encore, c’était un commandement homogène bien que partagé. Le problème était là, et la combinaison du 11 octobre devait bientôt, à l’épreuve, en donner une solution aussi heureuse qu’inespérée.

Quant à M. Guizot, c’est aussi à cette même date que sa participation aux affaires du pays devait prendre un nouveau caractère en devenant à la fois plus directe et plus considérable, Il avait bien déjà mis la main au pouvoir : il avait supporté le faix du ministère