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vaste marché couvert où la ville vient chaque matin faire ses provisions ; les Malabars y apportent leurs produits de jardinage et de basse-cour. C’est là que l’Indienne se montre dans tout le charme de son type et de son costume. Parfois drapée dans un simple pagne, elle laisse deviner et même apercevoir des formes dignes de la statuaire antique. Le tour des bras et celui de la cheville, toujours à découvert, sont chargés de bracelets, les doigts des mains et des pieds portent de nombreux anneaux ; mais ce luxe de bijoux ne suffit pas à l’Indienne : le nez, les oreilles, le cou sont encore chargés d’or et d’argent. À côté de l’Indienne, retenu près d’elle par une jalousie passée en proverbe, se tient son mari, coiffé d’un turban et la figure pleine d’expression,. Le teint est bronzé, la lèvre rougie par le bétel, L’œil noir, la chevelure abondante et couleur d’ébène, Aussi le bazar de Port-Louis offre-t-il dès sept heures du matin le coup d’œil le plus animé. C’est la promenade favorite des étrangers.

Port-Louis est non-seulement la capitale, mais encore presque la seule ville de Maurice. Elle réunit dans son sein tout le commerce de la colonie, et les dry docks ou bassins de radoub, ainsi que les patent slips ou cales de halage, dont le port vient d’être doté, contribuent encore à augmenter son importance. Pour faire rayonner sur d’autres points le mouvement et l’activité qui se sont coneentrés à Port-Louis, le gouvernement anglais a récemment décidé que le port de Mahébourg, déjà ouvert au commerce, serait creusé de manière à devenir accessible à tous les navires. Mahébourg mérite à tous égards d’être visité, et le voyage est des plus attrayans. Au sortir des faubourgs de Port-Louis, on traverse la Grande-Rivière sur un pont suspendu et l’on entre dans le quartier dit des plaines Wilhems. À droite on aperçoit la montagne du Corps-de-Garde, à gauche le Piton-du-Milieu, autour duquel s’étend le pittoresque quartier de Moka. Les localités qu’on traverse ont été depuis peu défrichées, et, si ce n’étaient les champs de cannes, elles rappelleraient plutôt nos paysages d’Europe que la nature coloniale. Beau-Séjour, Trianon, Vaucluse, Mondésir, Belle-Terre, sont les noms caractéristiques de quelques propriétés qu’on aperçoit de chaque côté du chemin. Bientôt on arrive à Curepipe, point culminant de la route. Là une élégante auberge permet au voyageur de relayer. L’air est vif sur ce point de juin à, octobre, surtout par une matinée ou une soirée pluvieuse, comme nous en avons observé en juillet 1861. Le paletot et le plaid sont de rigueur, et l’on a peine à croire qu’il puisse faire sous les tropiques un froid aussi piquant. Si, poussé par la même curiosité que nous, le voyageur demande aux étymologistes de l’endroit d’où vient cette dénomination bizarre de Curepipe qu’aurait enviée