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une dizaine d’années ; puis, s’ils sont abandonnés à eux-mêmes, commence une période de décroissance d’une durée à peu près égale, et à la suite ils ne sont plus guère que des sables arides. Il faut alors renouveler le sol par le concours de labours très profonds, de colmatages bien dirigés et d’engrais très abondans. L’engrais ne manque pas, et si la Normandie possédait au même degré que la Flandre l’art de le multiplier, une partie de ce qui s’en perd dans les vidanges et les immondices des villes de Rouen et du Havre suffirait pour maintenir et augmenter la fécondité des atterrissemens endigués de la Seine ; la rivière amènerait elle-même ces engrais aux lieux où ils seraient employés, et le transport en serait moins cher que dans les environs de Lille ou de Paris. Tels qu’ils sont, les atterrissemens ne sauraient être évalués à moins de 300 francs par hectare en produit brut annuel, de 3,000 francs en capital, et sur des points nombreux cette valeur est de beaucoup dépassée. Ils ont donc déjà, sans parler du développement de travail auquel ils offrent une base, ajouté 12 millions et plus au capital immobilier de la contrée, et ils lui livrent par récolte pour 1,200,000 francs de denrées. La dépense de premier établissement sera d’une dizaine de millions, répartis entre, l’état et les propriétaires riverains, qui ont peut-être été favorisés avec exagération ; mais quand une grande richesse est créée dans un pays, la manière dont elle se distribue est une question secondaire, et il y aurait mauvaise grâce à s’y appesantir. Nous ne sommes d’ailleurs pas assez accoutumés à voir l’administration faire un emploi reproductif des deniers des contribuables pour que de pareils résultats passent sans être applaudis.

La puissance d’envasement d’une rivière qui dépose en une dizaine d’années 4,402 hectares d’herbages est grande sans doute ; mais, les matières terreuses que roulent ici les eaux de la Seine venant presque exclusivement de la mer, la densité en diminue à mesure qu’elles s’éloignent de leur source : le flot porte cependant assez de limon avec lui pour en déposer partout sur des bas-fonds en cuvette, dont l’exhaussement importe bien plus que celui des grèves. Ces bas-fonds sont les marécages dont les miasmes promènent dans la vallée les germes de fièvres endémiques. Le plus pernicieux de ces foyers d’infection est le Marais-Vernier, dont la pestilentielle influence n’a jamais été sérieusement attaquée que par ordre d’Henri IV. L’étendue à colmater en arrière et en contre-bas des dépôts formés sous l’influence des digues construites de Quillebeuf à la pointe de La Roque approche de 2,000 hectares, et pour l’élever par remblai au niveau des plus hautes marées d’équinoxe, il suffirait de creuser au travers d’un sol meuble un large canal d’amenée des eaux troubles. En amont, indépendamment de ce que