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une opposition des drapiers, et depuis l’arrêt d’enregistrement qu’ils ont été reçus opposans à son exécution. Sa majesté m’ordonne de vous faire savoir qu’elle désire que ces drapiers soient déboutés de leur opposition sans retardement, et elle m’ordonne en même temps de vous dire que les longueurs et les sollicitations depuis un si long temps ont fait un grand tort à cet établissement, et peuvent dégoûter d’autres particuliers de faire de pareils établissemens, qui sont toujours avantageux à ses peuples. »

Peu d’usages sont plus salutaires à propager dans notre pays que celui des vêtemens de laine. La fabrication d’Elbeuf, répandue dans les campagnes environnantes, témoigne par ses progrès que nous sommes à cet égard en bonne voie. La population de la ville était en 1826 de 10,200 âmes, celle du canton de 20,706 ; elles ont été trouvées au recensement de 1856 de 18,821 et de 34,335. Un embranchement des chemins de fer de l’Ouest est à la veille de fortifier, en rattachant directement Elbeuf aux ports de Rouen et du Havre, la clientèle que ces laborieuses cités apportent à notre navigation.

La dernière population urbaine qu’atteigne le flot de marée est celle de Pont-de-l’Arche, à 12 kilomètres au-dessus d’Elbeuf. La ville est étagée sur la rive gauche de la Seine, et son ancienne enceinte, construite pour un nombre d’habitans beaucoup plus élevé, en contient 1,660. La fondation de Pont-de-l’Arche remonte à Charles le Chauve, qui régna de 840 à 877. L’emplacement des établissemens de ce prince sur la Basse-Seine a été l’objet de longues discussions entre les plus savans hommes du XVIIe siècle. Si, au lieu de pâlir sur les livres, ils étaient venus voir le pays, ils se seraient aisément convaincus que ces établissemens ne pouvaient pas être ailleurs qu’ici. Charles avait à défendre la Neustrie contre ses frères, l’empereur Lothaire et Pépin, roi d’Aquitaine ; il avait surtout à arrêter les incursions des Normands dans la vallée de la Seine. Il établit dans un lieu propice un pont de vingt-deux arches très étroites, sauf une seule, sous laquelle le resserrement des autres rejetait la masse des eaux et formait une chute de 60 centimètres de hauteur. Cette arche, seule praticable aux bateaux, était très difficile à passer, très facile à défendre. Ces dispositions ont paru de nos jours irréfléchies à cause des entraves qu’elles imposaient à la navigation ; elles étaient fort bien entendues au IXe siècle, quand il s’agissait de faire échouer des attaques auxquelles la mer servait de base. Pont-de-l’Arche, fortifié, était ainsi devenu du côté de Paris la clé de Rouen et de la navigation de la Seine, et les avantages militaires attachés à cette position expliquent l’acharnement avec lequel on se l’est toujours disputée dans les guerres dont la Normandie a été le théâtre.