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que local, limité au rivage même. Ces ras de marée violens détruisent souvent les jetées établies sur la côte, et l’on a eu beaucoup à en souffrir dans l’île de La Réunion. Les travaux exécutés à Saint-Denis, le long d’un rivage si peu hospitalier, ont été dispersés ; ceux du port de Saint-Pierre, aujourd’hui en construction, se sont plus d’une fois écroulés. On y a vu des blocs de basalte, du poids de plusieurs milliers de kilogrammes, violemment précipités dans la mer du couronnement des jetées, contre lequel venaient battre des vagues énormes, comme un irrésistible bélier hydraulique. Ainsi a fini par se former un talus naturel dépassant de beaucoup les limites de la base des fondations adoptées par les ingénieurs. On a essayé d’attribuer les ras de marée à l’action de volcans sous-marins ; mais cette explication ne saurait être admise en présence du calme de la mer à peu de distance du rivage, ou alors il faudrait supposer que ces volcans sont tous littoraux. Il serait plus naturel d’invoquer en faveur des ras de marée l’action de l’électricité terrestre.

Pendant l’époque de l’hivernage, le thermomètre monte à Maurice jusqu’à 32 et 35 degrés centigrades aux heures les plus chaudes de la journée. Cette température n’est pas trop élevée, si l’on songe à celle de quelques villes de l’Inde, à celle surtout des mines de la Californie pendant les trois mois de l’été. L’hiver, la température baisse et ne dépasse pas 25 ou 22 degrés, sauf dans quelques endroits élevés du sol. C’est alors l’époque des vents généraux, qui soufflent dans la direction du sud-est. La brise est parfois très forte à Port-Louis, où elle soulève la poussière des rues et rend le séjour de la ville désagréable ; mais des pluies de peu de durée viennent abattre la violence du vent, et donner à l’atmosphère un peu de calme et de douce fraîcheur.


III. — LA POPULATION ET LES MOEURS.

La population de l’île Maurice, qui, par suite de l’introduction toujours plus grande des travailleurs immigrans, croît chaque année dans une proportion de 10 ou 12 pour 100, dépasse aujourd’hui 300,000 habitans. Sur ce nombre, environ un sixième appartient à la race blanche, un autre sixième à la classe des affranchis. Le reste, au nombre de plus de 200,000, forme le chiffre des travailleurs étrangers, presque tous des coolies de l’Inde. Dans cette dernière catégorie, le nombre des femmes n’est que le tiers de celui des hommes. Les habitans de race blanche se divisent en deux classes : les créoles, nés dans la colonie, les Européens, venus du dehors. Bien que supportant très patiemment la domination anglaise, les