Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exposés et provenant de deux saisies. Tout récemment nous avons aussi été témoin d’une capture importante faite à bord d’un boutre arabe transportant des esclaves soumalis de l’île de Socotora à la côte de l’Yémen. Les noirs furent débarqués à Aden et engagés par la compagnie des bateaux à vapeur britanniques. La côte occidentale d’Afrique fournit aux croiseurs anglais l’occasion de captures non moins avantageuses, et les colonies anglaises des Antilles reçoivent ainsi par an un surcroît de plus de deux mille travailleurs.

Parmi les noirs amenés à Port-Louis par les croiseurs, nous avons vu des Malgaches à la taille élevée, à la peau bistrée plutôt que couleur d’ébène, au type rappelant celui des Malais, avec lesquels les nègres de Madagascar ont mélangé leur sang à une époque d’immigration malaise restée inconnue. Les femmes malgaches sont quelquefois fort belles ; elles tressent coquettement leurs cheveux en une multitude de petites nattes qu’elles disposent élégamment autour de leur tête. Elles portent volontiers aussi des bracelets et des colliers de verre ou de corail. Nommons, à côté des Malgaches, les Cafres à la figure stupide, sillonnée de cicatrices hideuses dont ils aiment à se tatouer les joues et les tempes, et les nègres mozambiques, au type plus intelligent, ayant la peau supérieure du nez plissée en forme de chapelet, de façon à imiter une rangée de grains de maïs. Les Cafres et les Mozambiques, travailleurs infatigables, aux formes athlétiques, sont partout regrettés des planteurs, soit à Maurice, où la Grande-Bretagne ne permet pas leur introduction à moins de cas de prise par les croiseurs, soit à Bourbon, où le gouvernement français ne souffre plus qu’on les engage depuis que des faits très regrettables ont eu lieu sur la côte orientale d’Afrique, et parce qu’aussi une cargaison de noirs trop précipitamment débarquée à Saint-Denis apporta en 1860 le choléra dans la colonie.

On connaît la haine profonde qui divise dans les États-Unis la race blanche et la race de couleur ; le même esprit d’exclusion règne à Maurice, où les anciens édits de nos rois l’avaient fomenté, comme dans les autres colonies françaises. Malgré l’affranchissement, qui date déjà de vingt-six ans, malgré le soin qu’a pris le gouvernement anglais de publier que le noir et le mulâtre sont les égaux des blancs, que la couleur de la peau n’est pas un signe de priorité ou d’infériorité, ce fâcheux esprit de caste se fait toujours remarquer. Il a même parfois donné lieu, dans des cérémonies publiques, au théâtre, à des actes de collision déplorables. Les mulâtres, souvent plus intelligens que les blancs eux-mêmes, et dans tous les cas plus propres aux affaires, parce qu’ils connaissent mieux le pays, ont fait des fortunes rapides qui les élèvent au niveau des premières classes. Il n’importe : on leur refusait naguère le droit de s’asseoir en public