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le produit des récoltes ; mais en réalité on a pu apprendre par les analyses de chimistes consciencieux que ces engrais prétendus concentrés ne contenaient que des doses insignifiantes de matières fertilisantes, incapables de rendre au sol la centième partie des matériaux que la récolte lui enlève. Alors chacun a pu expliquer les mécomptes éprouvés par les cultivateurs crédules qui avaient perdu bien au-delà des sommes encaissées par les spéculateurs. » La trompeuse industrie des engrais dits concentrés était à peine repoussée en France que déjà elle commençait à se répandre en Angleterre ; mais là ses espérances furent bientôt déçues. De toutes parts, les chimistes habiles qui prêtent à l’agriculture un concours dévoué firent connaître leurs observations, conformes de tout point aux résultats des analyses publiées par les chimistes français et aux conclusions adoptées par le congrès central assemblé dans Paris. On se rappelle la critique spirituelle de ce fermier devant qui l’on prônait les effets merveilleux des engrais concentrés. « Oui, s’écria-t-il, je crois bien que, grâce à ces remarquables progrès de l’industrie chimique, on pourra bientôt porter tout l’engrais pour un acre de terrain dans sa tabatière ; mais alors sans doute on rapportera toute la récolte dans son gousset. »

Cependant un danger plus grand encore résultait de ce déplorable état de choses ; nous devons le dévoiler. Dans les terres cultivées depuis longtemps, où se trouvent accumulées d’anciennes fumures lentes à réagir, les engrais liquides dits concentres ont pu produire les effets du trempage des semences, du pralinage des grains, pratiques anciennes et entrées depuis bien longtemps dans le domaine public, car elles ont été recommandées, pour des cas spéciaux, par Columelle, Duhamel-Dumonceau, Olivier de Serres, Mathieu de Dombasle, et de nos jours elles sont appliquées avec succès chez MM. Crespel Delisse, Quesnard, Chambardel, Decrombecque, Lebel de Bechelbroon, et tant d’autres agronomes habiles. Quelques succès passagers de ce genre, prônés à tort comme une méthode générale et exclusive dans de pompeuses annonces, ont pu parvenu, à faire de nouvelles dupes : les unes épuiseront leur sol, les autres perdront dès la première tentative leurs frais de culture et d’ensemencement.

Le congrès de 1851, adoptant l’avis de sa commission spéciale, émit à l’unanimité le vœu que le gouvernement prît des mesures convenables pour arriver à la répression de pareils abus. Bientôt après, nos assemblées législatives répondirent avec une grande sympathie à ce vœu ; elles mirent en évidence d’excellentes mesures administratives prises spontanément depuis plusieurs années par M. Chaper, préfet de la Loire-Inférieure, celui de nos départemens