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au premier abord, et il a même pu échapper à un ingénieux physicien, M. Foucault. Dès 1849, M. Foucault annonçait qu’il avait observé le fait suivant : lorsqu’on regarde sur un spectre la raie jaune du sodium, de brillante elle devient obscure dès qu’on illumine vivement la source de lumière artificielle où le sodium est en suspension. M. Foucault examinait alors l’arc voltaïque qui unit deux pointes de charbon, et il voyait se produire dans le spectre une raie brillante jaune, due à la présence d’un composé du sodium réduit en vapeur incandescente par l’action du courant : or, lorsque l’arc lumineux voltaïque était traversé par les rayons de la lumière solaire, cette raie devenait obscure.

Cette observation étrange ne fut ni expliquée, ni généralisée par le physicien français. M. Kirchhoflf l’ignorait quand il commença en 1859, avec M. Bunsen, la série de ses fécondes expériences. Il montra que la raie brillante du sodium occupe dans la série des couleurs élémentaires la place qui, dans le spectre solaire ordinaire, est remplie par la raie noire, que Frauenhofer nommait la raie D. Pour emprunter ses propres expressions, la raie D n’est que la raie brillante du sodium renversée (on ferait sans doute mieux de dire éteinte). Mais comment éteindre cette raie dans une flamme qui tient du sodium en suspension ? On a vu que c’est en faisant arriver dans cette flamme les rayons d’une flamme plus ardente. Qu’on regarde le spectre d’une flamme sodique, on y apercevra d’abord la raie jaune caractéristique ; qu’on laisse ensuite pénétrer la lumière solaire avec une intensité croissante dans cette flamme, et la raie jaune pâlira par degrés, et enfin elle deviendra sombre quand le spectre produit par le soleil aura dominé celui de la flamme artificielle. Ce qui est vrai du sodium l’est de tous les métaux. M. Kirchhoff a converti la ligne rouge de la lithine en ligne obscure de la même façon que la ligne jaune du sodium ; les autres métaux présentent aussi, quoique avec moins de netteté, le phénomène du renversement. Que prouvent ces phénomènes ? C’est que, de tous les rayons de lumière naturelle qui traversent la flamme artificielle, celle-ci retient, absorbe en plus grande abondance les rayons qu’elle émet en plus grande quantité quand elle brille toute seule ; elle prend ce qu’elle donne, ou, pour parler plus savamment, elle a un pouvoir absorbant correspondant à son pouvoir émissif.

Qu’on se représente d’après cela le noyau solaire, foyer d’une incessante ardente lumière, et autour, du soleil une atmosphère. Cette enveloppe, qui se trouve à une température moins élevée que le noyau central, retiendra de préférence les rayons pareils à ceux qu’elle émettrait en plus grand nombre, si, en supposant le globe du soleil enlevé, l’atmosphère restait comme seul foyer de lumière et