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de chaleur. L’atmosphère joue ici le rôle que remplit la flamme pâle et artificielle dans les expériences de M. Bunsen, et le globe solaire celui de la flamme plus vive qui renverse les raies brillantes de la flamme artificielle. L’atmosphère solaire, isolée de ce qu’elle renferme, fournirait un spectre, sillonné de raies brillantes, correspondant à toutes les substances qui s’y trouvent en ignition. Le foyer intense du soleil renverse, éteint toutes ces raies, et en place de ce spectre imaginaire à fond-obscur, couvert de lignes colorées, il donne un spectre à fond brillant, couvert de lignes obscures. Le spectre du soleil est en quelque sorte l’épreuve négative du spectre de son atmosphère : nous trouvons une raie obscure à la place qui revient à la ligne brillante du sodium ; nous pouvons donc affirmer que cette ligne brillante se trouverait dans le spectre de l’atmosphère solaire, ou, en d’autres termes, que le sodium se trouve en ignition dans cette enveloppe.

Le soleil renverse toutes les raies brillantes que fournirait sa propre enveloppe, ou, en d’autres termes, chacune des raies obscures du spectre révèle négativement la présence d’un corps simple particulier dans l’atmosphère de l’astre central. Or on compte aujourd’hui des milliers de raies obscures dans le spectre. Combien le corps qui nous envoie la chaleur et la lumière ne doit-il donc pas être riche en corps simples ! Beaucoup de ces raies occupent la place qui correspond à des métaux terrestres connus ; nous pouvons dire sans hésiter : la raie D appartient au sodium, une autre à la lithine ; voilà soixante lignes noires qui toutes coïncident avec des raies brillantes du fer ; voici les raies du calcium, du magnésium, du sodium métaux qui sont si répandus à la surface de la terre : les groupes brillans du chrome se retrouvent, comme raies noires, dans le spectre solaire. Il était fort intéressant d’y rechercher le nickel et le cobalt, qui accompagnent presque constamment le fer dans les météorites. Ces deux métaux produisent un nombre très considérable de raies colorées, moins brillantes que celles du fer. Toutes les lignes les plus vives du nickel se retrouvent renversées, c’est-à-dire noires, dans le spectre de la lumière solaire ; on y voit aussi quelques-unes des raies du cobalt ; mais, chose étrange ! ce ne sont pas les plus brillantes. Le baryum, le cuivre, le zinc, paraissent se trouver en petite quantité dans l’atmosphère solaire ; en revanche, on n’a pu découvrir aucune trace bien nette de l’or, de l’argent, du mercure, de l’aluminium et du silicium, si abondant parmi les métaux telluriques, du cadmium, de l’étain, du plomb, de l’antimoine, de l’arsenic, de la strontiane, du lithium.

Les découvertes de MM. Bunsen et Kirchhoff ne permettent plus de douter que le soleil n’ait une atmosphère d’une température