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« ELSINOE. — Alors approche-toi, plus près encore ; entends-tu ma voix siffler ?…

« IRIDION. — Qu’as-tu, ma sœur, que veux-tu de moi ? Ta main tremble dans la mienne, et à travers mon armure je sens les battemens de ton cœur.

« ELSINOE. — Que les yeux sous lesquels je me suis fanée s’éteignent ! que les deux bras qui ont enlacé mon cou retombent comme des vipères écrasées ! que les lèvres qui une fois ont osé toucher les miennes se consument au milieu des flammes !…

« IRIDION. — Il périra. »


Enfin le moment de l’exécution est là. Tous ont tenu leur parole ; les Nazaréens seuls n’arrivent pas… Qu’attendent-ils ? Simon a pourtant juré d’être à trois heures à la tête des siens ; tout l’espoir du vengeur est en eux. L’angoisse d’Iridion est extrême ; « c’est l’angoisse de Prométhée quand un nuage seulement le séparait de la flamme qu’il devait ravir. — Pourquoi te taire ? Parle-moi, Masinissa ; vive mon Hellade ! — Je me tais, répond le vieillard, parce que l’heure marquée pour leur arrivée vient de passer sur nos têtes, et que chaque plume de son aile bruissait à mon oreille comme un rire moqueur. » Le fils d’Amphiloque sent que le travail de toute sa vie lui échappe ; il se précipite de son palais vers le lieu où sont les chrétiens, l’épée à la main, la tête nue : pour vaincre, il a assez de son glaive ; pour mourir, il n’a pas besoin de casque !… On se doute bien de ce qui s’est passé dans les catacombes. Le saint évêque Victor a arrêté sur le seuil d’Eloïm tous les hommes armés qui marchaient sur la ville. Quand Iridion pénètre dans le sanctuaire, tous les esprits ont déjà tourné. Simon seul persiste dans la révolte, et il est excommunié. Cornelia, elle aussi, ne cesse de reconnaître dans le fils d’Amphiloque l’envoyé du ciel, de crier : Aux armes ! et autour de cette âme égarée Victor et Iridion se livrent le dernier combat. Exorcisée par l’évêque, touchée par la croix, elle s’affaisse enfin et meurt en reniant l’esprit malin. Iridion lance une dernière imprécation aux lâches dont toute la foi était la parole d’une femme, et il sort pour combattre sans l’espoir de vaincre. La victoire n’est plus possible en effet, la défection des chrétiens a tout fait manquer ; les prétoriens n’ont pas résisté aux troupes de Severus ; les gladiateurs, les esclaves et les barbares, ayant en vain attendu le signal, se sont rués sans plan et sans direction, et ont été repoussés. Le fils d’Amphiloque vendra pourtant encore cher sa défaite ; il réduira tous ceux qui lui sont dévoués, combattra encore longtemps et repoussera avec dédain le pardon que lui apportera Ulpien au nom du nouveau maître. Dans cette longue et admirable scène entré le héros et Ulpien vient retentir de nouveau et se résumer avec éclat le débat entre l’Hellade et Rome, entre le génie de