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LE
THEATRE CONTEMPORAIN
EN 1862

Le théâtre contemporain traverse depuis longtemps un état de crise qui, loin de s’améliorer, s’aggrave d’année en année. Nul ne saurait dire ni quand ni comment cette crise finira, car le mal se présente sous des formes si variées, qu’il déjoue toutes les observations de la critique. D’abord localisé, il s’est élargi peu à peu, a gagné de proche en proche, et a présenté tous les caractères de la contagion. Il a envahi successivement toutes les branches de la littérature et de l’art dramatiques. Lorsque ce mal se déclara, on put croire qu’il ne s’attaquerait qu’aux genres supérieurs, reconnus surannés, et beaucoup y virent un motif d’espérer dans une régénération dramatique. Il emporterait, disait-on, les genres de la tragédie et de la comédie classiques, et le théâtre, rajeuni, prendrait un nouvel essor, enfanterait des genres nouveaux, tenterait des entreprises nouvelles. D’ailleurs le salut viendrait des genres inférieurs, que protégerait leur intimité, du mélodrame et du vaudeville, qui, transformés, prendraient la place des genres anciens ; mais bientôt il fut prouvé que les genres inférieurs étaient aussi malades que les genres classiques : les bons mélodrames devinrent aussi rares que les tragédies, et c’est à peine si de loin en loin un gai vaudeville se présenta pour consoler les spectateurs de la perte de la comédie. Que dis-je ? il arriva un jour où le mal gagna non-seulement les genres qui relèvent de l’invention, mais les genres qui relèvent de l’habileté et en quelque sorte de la légèreté de la