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seule chose : la fin la plus prompte de l’état, révolutionnaire où sont les États-Unis. Tout annonce que le moyen le plus juste, le plus naturel, le plus efficace d’abréger la lutte, c’est de laisser au nord sa liberté d’action, et de ne point encourager le sud à la résistance, en lui laissant croire qu’il pourra entraîner dans sa défense de grandes puissances européennes. L’insurrection et la séparation du sud ont eu un mobile que l’honneur de l’Europe libérale répudie, le maintien de l’esclavage comme institution permanente ; mais elles ont compté sur un intérêt européen, l’intérêt industriel du coton, auquel allait manquer la matière première. La sécession, au point de vue politique, a été une spéculation sur le coton. Il faut que l’Europe se hâte de montrer au sud que cette spéculation est mauvaise et ne peut réussir. L’union demeurant au nord compacte et puissante, la confédération du sud maintenant l’esclavage et restant maîtresse des débouchés des états de l’ouest par l’embouchure du Mississipi, on ne peut pas concevoir de paix possible entre ces deux états séparés. Comment l’Angleterre et la France se laisseraient-elles entraîner dans une guerre interminable pour obtenir la récolte de coton d’une année ? Mais si les besoins actuels d’une branche de leur industrie les rendaient aveugles sur l’avenir d’une politique injuste, elles s’exposeraient encore à sacrifier la culture permanente du coton dans les états du sud à l’avantage hypothétique d’acquérir la simple récolte d’une année. On l’a démontré ici par une intéressante étude des faits, la prolongation de la guerre civile, même restreinte dans ses limites actuelles, tend à ruiner dans les états du sud la culture du coton. Que serait-ce si, la guerre civile se compliquant d’une intervention et d’une guerre étrangère, le gouvernement de Washington était obligé de soulever immédiatement et radicalement la question du travail servile ! En peu de temps, la culture du coton aurait disparu de l’Amérique, et la France et l’Angleterre auraient elles-mêmes contribué à l’anéantissement de ce qui devait être le prix de la reconnaissance de la confédération du sud et le butin d’une guerre contre le nord. MM. Mason et Slidell, accompagnés de leurs secrétaires, ne réussiront pas à inspirer à la France et à l’Angleterre une telle folie. Les Anglais eussent fait bravement et dispendieusement la guerre pour eux, ils l’eussent faite pour deux de leurs nègres, comme le disait hier le Times avec sa puissante verve, si une question d’honneur les y eût contraints ; mais ils ne la feront pas même pour l’intérêt du coton. Qu’ils ne se laissent point tromper sur les sentimens de la France par les encouragemens donnés à la cause, du sud dans quelques journaux français dont il est difficile de s’expliquer la conduite ; ils ne trouveront pas la France disposée à reconnaître la confédération du sud. Le plus grand et le seul triomphe de leur ambassade en Europe aura été d’avoir coûté en un mois à l’Angleterre quatre millions sterling ; encore n’est-ce qu’au capitaine Wilkes qu’ils doivent ce beau succès.

La France a plus d’un motif de s’applaudir de l’heureux arrangement du différend anglo-américain ; elle a joué, par l’organe de sa diplomatie, un