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que la Revue condamnée. » Au risque de figurer parmi ces barbons dont le spirituel et courageux journal trace si finement le profil, nous ne voulons pas nous laisser prendre. Jusqu’à présent, nous avions cru que la dignité prescrivait à un journal averti, c’est-à-dire condamné sans débat contradictoire, de ne pas discuter l’avertissement qui le frappe. Que d’autres ouvrent le débat après le jugement pour couvrir ce jugement même de leurs apologies héroïques, nous laisserons plaider à leur aise ces avocats d’office. Le corps législatif est d’ailleurs convoqué pour la fin de ce mois. La tribune a des privilèges qui manquent à la presse. Peut-être ces débats de l’adresse, mieux que le Constitutionnel, qui a, hélas ! i perdu son barbon, nous apprendront-ils ce qu’il est permis de penser et de dire de la politique intérieure. Quant à nous, il est un point de cette politique sur lequel nous avons dit franchement notre pensée. Une politique financière à la fois réparatrice et novatrice, telle que celle que M. Fould est chargé d’inaugurer, a besoin du concours libre de l’opinion. Les suffrages et les encouragemens indépendans dont, en les intimidant, on priverait M. Fould ne sont point, nous le gagerions, ceux qui ont le moins de prix à ses yeux, ceux dont, en homme pratique et dévoué aux intérêts généraux qui lui sont confiés, il estime le moins l’utilité. À notre sens, pour le succès de son œuvre, M. Fould ne saurait être trop écouté par ses collègues touchant celles de leurs mesures qui peuvent influer de près ou de loin sur le succès de ses combinaisons. Notre conviction profonde, et nous n’hésitons pas à dire qu’elle sera justifiée par l’expérience, c’est que la liberté de la presse est une condition essentielle de la bonne conduite des finances.

L’attention est donc ramenée vers les projets de M. Fould, et la curiosité publique en attend l’exposé avec impatience. La valeur de projets de ce genre dépendant surtout de leur ensemble, il serait téméraire d’essayer d’en pressentir d’avance quelques détails isolés d’après les rumeurs qui circulent. Ne le méconnaissons pas, la tâche que M. Fould a entreprise est difficile. Les circonstances au milieu desquelles il l’aborde sont loin d’être favorables. Il y a, tout le monde le sait, de grandes souffrances dans le commerce. Le dernier bilan de la Banque nous a donné à cet égard de sérieuses informations. La demande de crédit est si considérable que le portefeuille des effets escomptés par la Banque a dû s’élever au chiffre énorme de 675 millions. Cette tension des affaires commerciales, qui a eu pour causes accidentelles les affaires d’Amérique et l’insuffisance de la dernière récolte de céréales, a pour cause plus générale l’impulsion désordonnée imprimée aux grands travaux qui immobilisent les capitaux. M. Fould n’est servi ni par les circonstances politiques, ni par la situation économique. La justice veut qu’on lui tienne compte des obstacles qu’il rencontre au point de départ, et le bon sens nous conseille de ne point nous montrer trop exigeans à l’égard de ses plans financiers.

On sait que la tâche de M. Fould est double : il doit régler et atténuer le découvert du trésor ; il doit combiner un budget qui prévoie et comprenne