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celui des Deux-Siciles. On peut croire qu’il eût été facile à l’Espagne de faire des réserves diplomatiques tout aussi efficaces en se renfermant dans une neutralité sympathique qui était son vrai rôle ; malheureusement cette neutralité sympathique n’était point du goût des influences absolutistes, et il a fallu, sinon agir bien réellement, du moins avoir l’air d’agir pour le roi de Naples comme pour le pouvoir temporel du saint-siége, au risque de se mettre dans la plus illogique hostilité avec l’Italie, et sans se rappeler que, si à l’origine la monarchie actuelle de l’Espagne a eu le droit royal pour elle, elle a été surtout vivifiée par la victoire et par la souveraineté nationale. Et maintenant il est bien difficile de dire que la politique de l’Espagne soit du libéralisme, et c’est ainsi que le cabinet du général O’Donnell ne se trouve plus avoir d’autre appui qu’une majorité artificielle, et crée plus de difficultés insolubles pour ses successeurs qu’il ne s’assure à lui-même de garanties de force et de durée.

ch. de mazade.


LA REINE ANNE DE BRETAGNE.[1]

Il y a bien des sortes d’érudition, la grande et la petite, la pédante et la frivole  ; il y a l’érudition conquérante et l’érudition inutile, il y a encore celle qui éclaire les questions et celle qui les embrouille, celle qui attire le lecteur et celle qui le met en fuite : la plus aimable à notre avis, c’est l’érudition, discrète, mesurée, sans prétention, qui ne vient pas bouleverser tout, mais se propose seulement de vous introduire comme par la main dans l’intimité d’un monde disparu, M. Le Roux de Lincy a depuis longtemps fait ses preuves en ce genre d’études précises et de restitutions intéressantes : le moyen âge, et surtout la période intermédiaire qui sépare le moyen âge encore vivant de la renaissance déjà victorieuse, ont été pour lui l’objet des plus patientes recherches. Aussi, quand un habile éditeur entreprit de reproduire le magnifique volume des Heures d’Anne de Bretagne, et qu’il voulut publier à cette occasion l’histoire de la princesse qui inspira ce chef-d’œuvre, il pensa tout naturellement à M. Le Roux de Lincy  ; le modeste écrivain qui a peint d’une main respectueuse les femmes de l’ancienne France était préparé mieux que personne à nous introduire familièrement auprès de la duchesse Anne. Tel est en effet le charme du savant livre où l’on vient de raconter la vie d’Anne de Bretagne ; c’est une histoire familière. L’auteur a recherché avec le soin le plus scrupuleux tout ce qui inté-

  1. Vie de la reine Anne de Bretagne, femme des rois de France Charles VIII et Louis XII, suivie de lettres inédites et de documens originaux, par M. Le Roux de Lincy ; 4 vol., Paris, Curmer, 1861. — Ces volumes, brillant spécimen d’élégance typographique, sont sortis des presses justement célèbres d’un artiste lyonnais, M. L. Perrin.