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tié, ou tout au moins persuader à Mlle  Roque, dans notre commun intérêt, de vendre sa part indivise avec la mienne. Il me promit de s’occuper de cette solution, et me proposa de m’emmener à Tamaris, où il devait se rendre le jour même ; mais je n’étais pas libre. Je promis de l’y rejoindre le lendemain.

Je m’y rendis cette fois par La Seyne, dont le port est à l’entrée nord de la presqu’île ou promontoire du cap Sicier. Tamaris est sur le versant oriental.

Ce coin de terre, où j’ai tant erré depuis, et que je connais si bien à présent, est la pointe la plus méridionale que la France pousse dans la Méditerranée, car la presqu’île de Giens, auprès des îles d’Hyères, est un doigt presque détaché, tandis que ceci est une main dont le large et solide poignet est bien soudé au corps de la Provence. Cette main s’est en partie fermée, abandonnant au flot qui la ronge deux de ses doigts mutilés, la presqu’île du cap Cépet, qui formait son index, et les îlots des Ambiers, qui sont les phalanges rompues de son petit doigt. Son pouce écourté ou rentré est la pointe de Balaguier, qui protège la petite rade de Toulon d’un côté, de l’autre le golfe du Lazaret et par conséquent le quartier de Tamaris. Ceci n’est pas une comparaison poétique : rien n’enlaidit la nature comme de comparer sa grandeur à notre petitesse ; c’est tout simplement une indication géographique nécessaire pour dessiner à l’œil les mouvemens d’un littoral labouré et déchiré par de grands accidens géologiques.

Cette presqu’île, tournée vers l’Afrique, n’a pas de nom qui la caractérise. Dans le Var, il ne faut pas beaucoup espérer retrouver l’orthographe des noms propres ; chacun les arrange à sa fantaisie, et beaucoup de localités en ont plusieurs à choisir. Les cartes nouvelles sont sur beaucoup de points en plein désaccord avec les anciennes pour spécifier les criques, les calangues, les caps, les pointes, les écueils et les îlots. Il paraît que le cap Sicier lui-même, ce beau bastion naturel qui brise l’effort d’une mer furieuse, et dont le front, souvent couronné de nuages, préserve Toulon des vents de sud-ouest, a perdu son nom. Conservons-le-lui quand même et donnons-le à tout le promontoire, d’environ trois lieues de long sur autant de large, qui s’étend de La Seyne à Saint-Nazaire, et de la route de Marseille à la pointe des Jonquiers.

Tamaris est situé dans la courbe décrite entre le pouce tronqué et l’index déchiré. On voit dès lors que de La Seyne, située à la jointure du poignet, j’avais peu de distance à parcourir pour m’y rendre par terre. Le petit chemin ondulé monte et descend, remonte et redescend, et remonte encore. Un kilomètre à vol d’oiseau comporte toujours dans cette région un kilomètre en plus, quand il