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Pendant le recess, tout le poids des affaires du parlement, confiées à un comité, reposa réellement sur la tête de Pym, nommé président de cette commission intérimaire, et qui suivait d’un œil inquiet la marche des événemens, chaque jour plus menaçante. Hampden l’instruisait exactement du succès que les menées royales rencontraient auprès de Montrose et de quelques autres ex-covenantaires. On prévoyait déjà les troubles d’Irlande. S’il ne trouvait moyen de les prévenir, le parlement en serait responsable aux yeux du pays jusqu’au jour où il aurait pris des mesures pour les faire cesser. Plus que jamais il y avait lieu de craindre une insurrection militaire en faveur du roi. Il fallait naviguer à travers tous ces écueils, et si bien instruit qu’on fût des projets hostiles du monarque, il n’était pas permis de les démasquer ouvertement. Cette réserve, que la prudence seule eût commandée quand bien même le respect des lois n’en eût pas fait un devoir rigoureux, venait compliquer encore une situation déjà si difficile.

En l’absence de ses collègues, Pym ne pouvait que préparer les résolutions à leur proposer quand ils seraient de retour. Plus de six semaines s’écoulèrent ainsi, et enfin le 20 octobre les deux chambres du parlement se réunirent. Comme président du comité, Pym leur devait un compte-rendu ; il le fit aussi explicite et par conséquent aussi alarmant que les convenances le lui permirent. Dès ce jour-là même, et sans désemparer, une conférence des lords et des communes fut décidée ; elle eut lieu immédiatement, et on y vota les propositions de Pym pour la sûreté du parlement et du royaume. Ordre était donné d’occuper militairement la Cité, de convoquer les milices de Londres (train-bands) pour garder nuit et jour les deux chambres, et ces milices étaient placées sous les ordres d’Essex, le plus populaire des lords, à qui le roi lui-même avait délégué pour le temps de son absence le même commandement. Ce choix révélait une habileté consommée, un sens politique de premier ordre. Les chambres exerçaient pour la première fois l’une des plus redoutables attributions de la royauté ; elles l’exerçaient, il faut bien le reconnaître, au moyen d’une véritable usurpation. N’avaient-elles pas trouvé le meilleur moyen d’atténuer, autant que possible, le caractère vraiment révolutionnaire de cette mesure sagement audacieuse ? Cromwell du reste (curieux hasard) se trouve associé à ce pas décisif. Ce fut lui qui, peu de jours après, proposa « de donner au comte d’Essex pouvoir de réunir en tout temps les milices disciplinées du royaume, de ce côté de la rivière Trent, pour la défense de ce pays, et jusqu’à nouveaux ordres des deux chambres. » Il créait ainsi les germes de cette armée parlementaire qu’il devait mener plus tard sur tant de champs de bataille.