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de toute sorte, la taxe des vaisseaux n’aboutissant qu’à laisser les côtes sans défense, même contre les pirates d’Orient[1], les amendes, les confiscations multipliées jusqu’à ruine complète de ceux qui voulaient résister légalement, les stannary courts étendant de tous côtés leur puissance arbitraire, la tyrannie ecclésiastique pesant sur tous les actes de la vie publique ou privée, bref la terreur partout, partout la corruption ; tel était ce sinistre tableau que complétait immédiatement une seconde série de faits : — la dissolution du quatrième parlement suivie de perquisitions et d’arrestations illégales pratiquées contre ses principaux membres, les soulèvemens qui l’avaient suivie, la couronne se plaçant au-dessus des lois et dominée à son tour par la mitre épiscopale, les papistes complotant désormais avec une audace nouvelle, s’approvisionnant d’armes, se préparant à lever des troupes et constituant un état au sein de l’état ; les lords réclamant en vain et ne pouvant se faire écouter qu’après les désastres de la guerre d’Ecosse.

En regard de ce que le peuple avait souffert, ses représentons plaçaient ce qu’ils avaient fait, et certes ils pouvaient en tirer quelque orgueil. Finances, justice, industrie, ils avaient tout remanié à la fois, reconquis la périodicité des parlemens, le vote de l’impôt, puni l’oppression, aboli les tribunaux exceptionnels, châtié l’orgueil des prélats, et mis un terme aux empiétemens de leur autorité abusive. Ce n’étaient là du reste que leurs premiers pas, et ils espéraient obtenir encore bien des réformes ; ils les énuméraient avec une franchise imprudente peut-être, à certain point de vue, mais qui devait en somme leur faire plus de partisans que d’ennemis. Entre eux cependant et ces réformes, maint obstacle existait encore, et le premier de tous était l’influence fatale des conseillers de la couronne. On la retrouvait dans les reproches chaque jour prodigués aux communes, et ces reproches, la remontrance les discutait ; l’un après l’autre, disculpant le parlement d’avoir voulu affaiblir, dans ce qu’elle avait de légitime, l’influence de la royauté, d’avoir donné une extension illégitime aux privilèges de la représentation nationale. Et d’où viennent ces calomnies ? ajoutait-elle. De ces mêmes hommes qui fomentent la sédition militaire, qui poussent au massacre des protestans irlandais, massacres que l’Angleterre verrait demain se reproduire chez elle, si elle donnait carrière à ce déchaînement de tout ce qui hait la liberté religieuse et la liberté civile.

Après avoir repoussé ces accusations avec mépris, la remontrance

  1. Ceci pourra sembler fantastique à ceux qui ne savent pas qu’en 1631 les Turcs, comme on les appelait, c’est-à-dire les Algériens, étaient venus enlever à Baltimore (Irlande) une centaine d’habitans, et qu’en 1645, — quatre ans après la remontrance, — vingt-six enfans furent pris de même, en une seule fois, sur la côte de Cornouailles.