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même tout ce que nous possédons ici, et jamais l’Angleterre ne nous eût revus. »


IV

La protestation de Palmer impliquait une doctrine fatale. Pour être quelque chose, une chambre doit être indivisible à partir du moment où ses débats sont clos, sa décision prise. Celle des communes s’était toujours proclamée telle. Elle ne devait avoir, c’était sa théorie constante, qu’une seule volonté, un pouvoir unique : elle exerçait des droits qui sont incompatibles avec l’individualité de ses membres. Dans une crise pareille, s’isoler d’elle, l’affaiblir par d’éclatantes manifestations, c’était trahir le pays. Les chefs de l’opposition comprirent toute la gravité de l’incident, et, malgré l’obstinée résistance des royalistes, tirèrent ample satisfaction de l’avocat malavisé qui avait voulu scinder l’assemblée. Le 26 novembre 1641, Palmer comparut à la barre des communes, où le speaker lui notifia le vote de ses collègues qui l’envoyait à la Tour « pour tout le temps que les communes jugeraient convenable, » et il n’en sortit que le 8 décembre suivant, après une rétractation des plus complètes.

Durant cette période, la lutte du roi et de la chambre avait pris un caractère nouveau. Charles revenait d’Edimbourg triomphant et plein d’espérances. La magnifique entrée que le royalisme zélé du lord-maire avait su lui ménager l’exaltait encore. Il se montrait à la fois joyeux et menaçant. Ses premiers actes après son retour (25 novembre et jours suivans) furent ceux d’un maître décidé à ne plus se gêner. Nicholas reçut les sceaux abandonnés par le fugitif Windebank. Falkland, Hyde, Colepeper, les nouveaux adhérens du roi, furent admis à ses audiences particulières en attendant qu’ils eussent entrée au conseil, ce qui ne tarda guère ; symptôme plus grave, la garde placée aux portes du parlement fut renvoyée le soir même du jour où le roi était rentré dans sa capitale. « En mon absence, répondit-il aux réclamations des communes, je comprends qu’on ait pu avoir besoin de gardes. Sous ma protection, mon peuple n’a rien à craindre. Que si, dans l’avenir, j’ai des gardes à vous donner, j’en aurai à prendre, moi aussi.  » Pym ayant rédigé une seconde pétition où étaient méthodiquement exposées les raisons que le parlement avait de se croire en péril, le roi répondit qu’il avait chargé le comte de Dorset de veiller provisoirement à la sûreté du palais de Westminster avec quelques hommes des train-bands. Si, après un délai de quelques jours, la chambre se croyait encore en péril, il aviserait à continuer ce service militaire et prendrait, lui aussi, des garanties pour sa sûreté personnelle, Dorset, qui comprenait parfaitement les