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toutefois moins que l’état, car forcés presque toujours de pourvoir à des besoins plus pressans, ils sont plus disposés à sacrifier l’avenir au présent. C’est pour ce motif que les législateurs, non-seulement ceux de 1827, mais tous ceux qui se sont succédé depuis Charles IX, ont soumis l’exploitation de ces forêts au contrôle de l’état. Il n’y a là aucun attentat aux libertés municipales proprement dites ; il n’y a qu’un acte de sage prévoyance, car en matière de forêts ce ne sont pas ceux qui commettent les abus qui en subissent les conséquences, mais leurs descendans, et il est juste que l’état, qui est immuable, défende les droits des générations futures contre les déprédations de la génération présenté. En réalité, celle-ci n’est qu’usufruitière ; elle n’a pas le pouvoir de dénaturer son titre et de se constituer propriétaire de son autorité privée, au détriment de toutes celles qui la remplaceront. Aussi, quelque partisan qu’on soit de l’autonomie communale en matière d’administration et de finances, il faut reconnaître que les communes sont incapables de gérer par elles-mêmes leurs forêts. De trop nombreux exemples attestent que, si on les leur abandonnait, elles disparaîtraient bientôt, dévastées par des coupes abusives et par le parcours illimité des troupeaux. C’est ainsi que se sont dénudées les montagnes du midi de la France, et qu’on est aujourd’hui forcé, pour arrêter les ravages des torrens et des inondations, de les reboiser à grands frais, dût-on avoir recours à l’expropriation. La mission de l’état, essentiellement conservatrice, est souvent difficile en présence des réclamations fort vives et des exigences d’un intérêt tout passager. Ce contrôle sur les forêts communales s’exerce non-seulement en France et en Allemagne, mais même en Suisse, où cependant la liberté municipale est presque absolue.

Toutefois, en revendiquant pour l’état le droit et le devoir d’intervenir dans la gestion des bois communaux, on ne prétend nullement lui conférer le pouvoir de réglementer l’emploi des produits qu’ils fournissent. Ici l’intérêt général, pas plus que celui des générations futures, n’est en cause, et rien ne justifierait une immixtion arbitraire dans une affaire purement locale, et qui n’engage en rien l’avenir. Les communes, étant propriétaires, doivent être maîtresses de disposer des produits de leurs biens comme elles l’entendent, de les consommer en nature, ou de les vendre au profit de la caisse municipale, sans que l’état ait à s’en mêler autrement que pour réprimer par la voie légale les fraudes qui pourraient être commises.

Pour les forêts communales comme pour les forêts domaniales, on s’est demandé si, au lieu de les gérer directement, il ne serait pas préférable d’en abandonner la jouissance à une compagnie concessionnaire