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misère, et ceux qui les ont vus de près savent qu’ils sont presque tous d’un dévouement à toute épreuve. Responsables aux yeux de l’administration des délits commis dans leur triage, ils le parcourent jour et nuit, le plus souvent seuls, sans paraître se douter que leur vie puisse être en danger. Cependant ils sont souvent victimes de vengeances particulières. La plupart d’entre eux ont plus même que le sentiment du devoir : ils ont pour les forêts qu’ils surveillent le véritable amour du propriétaire. Pendant les jours de troubles qui suivirent la révolution de 1848, sur certains points de la France, notamment dans les Pyrénées, dans les Alpes, en Alsace, en Lorraine, des populations entières se ruèrent sur les forêts pour les saccager. Partout les gardes montrèrent une énergie sans pareille ; plusieurs furent tués en cherchant à s’opposer à ces désordres ; quelques-uns virent leurs maisons incendiées, d’autres y furent assiégés avec leur famille, et s’y défendirent seuls jusqu’à ce qu’on vînt à leur secours. Pas un ne faillit à ses devoirs, et c’est grâce à eux que des forêts fort importantes échappèrent à la dévastation dont elles étaient menacées. Ce n’est pas seulement dans l’exercice de leurs fonctions qu’ils font preuve de courage et d’abnégation, et chaque année plusieurs d’entre eux figurent sur les listes des récompenses accordées pour actes de dévouement.

Les gardes forestiers de l’état ont un traitement qui varie de 600 à 700 francs. Beaucoup sont logés en maison forestière et jouissent d’un jardin potager d’un hectare d’étendue ; ils ont en outre droit, pour leur chauffage, à huit stères de bois et à cent fagots. Dans ces conditions, ceux qui sont actifs, qui ont une femme économe et pas trop d’enfans, sont assez heureux. Pouvant nourrir deux vaches, des porcs, des poules, élever des abeilles, ils se font un petit revenu supplémentaire qui améliore sensiblement leur position, Beaucoup de ces maisons forestières sont entourées de fleurs, et offrent cet aspect propre et gracieux qui dénote l’aisance. Quelques-unes d’entre elles, situées au milieu des bois, sur les points les plus pittoresques, sont le rendez-vous des chasseurs et le but des promenades des environs. Il est sévèrement interdit aux gardes qui les habitent de débiter aucune boisson, afin qu’ils ne soient pas tentés de négliger leur service pour tenir auberge. Il leur est également défendu de chasser, car la chasse étant louée au profit du trésor, il ne faut pas que le gibier soit détruit par ceux-là mêmes qui sont chargés de veiller à sa conservation.

Les gardes forestiers communaux sont moins heureux. Il en est peu qui aient un traitement supérieur à 500 francs et soient logés aux frais des communes. Ils sont dès lors obligés de vivre au village, où ils ont à payer leur loyer et sont exposés à plus de dépenses