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déboisée, tandis que la région située au nord est restée couverte de massifs imposans. Heureusement l’esprit français est l’esclave de la logique, et il peut donner, même en matière de législation forestière, d’utiles exemples aux pays du midi comme à ceux du nord. Cette législation a été établie chez nous sur des bases rationnelles, et c’est peut-être à ce motif qu’au point de vue des attributions générales l’administration française doit sa supériorité. Son action est bien définie, et elle repose sur les principes les moins discutables. En France en effet, l’administration forestière ne s’occupe pas des forêts particulières, si ce n’est pour empêcher le défrichement dans certains cas spéciaux, lorsque l’intérêt général est en jeu ; en ce qui concerne les forêts communales, elle intervient directement dans la gestion afin d’empêcher des abus de jouissance et de sauvegarder les droits des générations futures, mais elle laisse les communes complètement libres de disposer des produits réguliers de leurs bois ; enfin elle exploite autant que possible les forêts domaniales de manière à en tirer les produits les plus considérables et les plus utiles, et à satisfaire ainsi certains besoins sociaux pour lesquels l’industrie individuelle est impuissante. Il n’y a donc rien pour le moment à changer dans un système qui se tient à égale distance d’une réglementation excessive, comme celle qui existe dans certaines parties de l’Allemagne, et de la liberté absolue, qui entraîne, comme en Espagne et en Italie, des abus d’un autre genre.

Peut-être n’en est-il pas tout à fait de même de l’organisation intérieure, et sous ce rapport nous croyons qu’il y aurait avantage à se rapprocher du système administratif de l’Allemagne, qui consiste à laisser une plus grande latitude aux agens inférieurs, mais à leur imposer l’entière responsabilité de leurs actes. L’administration forestière ne diffère point à cet égard des autres administrations financières, qui sont toutes taillées sur le même patron, et l’on peut lui appliquer presque sans réserve le jugement que M. le chevalier de Hock a porté sur celles-ci en 1855, lorsqu’il fut chargé par le gouvernement autrichien d’étudier à fond le mécanisme financier de la France[1]). Ce qui a le plus frappé M. de Hock, c’est l’ordre admirable de notre système administratif et la rigoureuse logique sur laquelle il repose. Les mêmes dispositions fondamentales se retrouvent partout, les moyens sont exactement proportionnés au but à atteindre, les institutions sont homogènes, de création récente, en harmonie avec l’état actuel de la société et de la civilisation, et n’ont pas comme ailleurs conservé les empreintes

  1. L’Administration financière de la France, par M. le chevalier de Hock, traduit de l’allemand par M. Legentil ; 1 vol. in-8o. Guillaumin, 1858.