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de vastes murailles percées de fenêtres, anciens magasins démolis par nous à coups de canon en 1824. Ces ruines, que dore le soleil couchant, projettent de grandes ombres noires sur un marécage où deux vaches maigres lèchent les roseaux salés, tandis qu’un baudet regarde d’un œil triste la vase, où ne poussa jamais un chardon.

Cadix, 29 juin.

Ce matin, le bassin de carénage est à sec, le yacht est maintenu en équilibre par de grosses poutres dressées contre ses flancs. La quille nous montre son écorchure, qui est grave. L’arête est enlevée, réduite en charpie. La princesse Clotilde passe le bac, car nous sommes dans une île, et monte dans une voiture de louage qui la fait beaucoup rire. Ces véhicules andalous sont peints en blanc, en bleu de ciel, en jaune serin, et décorés de guirlandes de fleurs et de petits cupidons rococo. La princesse trouve tout bien, aucun contre-temps ne la fâche. Il est impossible d’être d’une résignation plus enjouée en voyage. Elle a failli monter dans les troisièmes places avec le populaire, sans dédain comme sans affectation. Combien de petites bourgeoises se désoleraient de ce qui l’amuse ! C’est une personne rare, mais aussi elle a de qui tenir. Elle se rend à Cadix, où le prince doit la rejoindre dans la journée.

On prend le chemin de fer à San-Fernando. La distance n’est que de neuf ou dix kilomètres. Le pays que nous traversons est triste et plat, accidenté seulement de buttes de sel le long du rivage. Le sirocco est brûlant et nous envoie des nuages de sable dans les yeux. À Cadix, c’est grande fête, toutes les boutiques sont fermées. Les femmes en mantille noire se dirigent toutes vers la cathédrale. Grand carillon de cloches. Cadix est une grande et belle ville, redevenue assez florissante. Les rues sont larges, droites, bien pavées, aérées, propres. Au sortir des taudis du Maroc, cette propreté frappe agréablement. Les maisons sont toutes blanches, les fenêtres grillées vert et jaune ne sont pas d’un heureux effet ; en revanche, les promenades sont plantées de beaux arbres.

Nous revenons passer la nuit à bord dans le triste bassin de La Caraque ; mais demain à Séville !

Séville, 30 juin.

De San-Fernando à Séville, trois heures en chemin de fer. Plaines immenses dévorées par le soleil ; de grands troupeaux de bœufs, d’ânes et de moutons errent tristement dans la solitude infinie semée en apparence de flaques d’eau et même d’étangs considérables. Ceci n’est qu’un effet de mirage comme dans la plaine de la Crau, où tu as vu des lacs et des reflets fantastiques. Les environs de