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armes européennes et de toutes les fantaisies locales : tirailleurs allemands, volontaires anglais, riffles écossais, régiment de Garibaldi, bersagliers, cavalerie suisse, artillerie irlandaise, gardes-Lafayette, chasseurs des États-Unis, flanqueurs, ingénieurs, gardes-du-corps, etc. ; mais le corps par excellence est toujours celui des zouaves. Tout esta la zouave ici, les modes des femmes, les enfans, les guêtres, les bonbons, les culottes, la soupe ; c’est une rage.

Quant aux réclames placardées, elles dépassent tout : en voici une : « Attention ! attention !! attention !!!

— Connaissez-vous un plus beau régiment que les zouaves de *** ?

— Non !

— Connaissez-vous un régiment mieux commandé que les zouaves de *** ?

— Non ! non !

— Connaissez —vous un régiment plus terrible que les zouaves de *** ?

— Non ! non ! non !

— Voulez-vous venger la patrie ?

— Oui !

— Voulez-vous gagner douze dollars par mois ?

— Oui ! oui !

— Enrôlez-vous donc dans les zouaves de *** !!!

— Oui ! oui ! oui ! »

Et le tout finit par l’appel aux armes ! en lettres de trois pieds de haut avec quinze points d’exclamation.

Il faut que je te dise en peu de mots quelle est l’organisation militaire normale des États-Unis. L’armée régulière, qui appartient au gouvernement, se compose de quinze à seize mille hommes, disséminés dans les divers états et servant surtout de protection aux cultivateurs contre les invasions indiennes des frontières. La milice est organisée comme notre garde nationale, mais sur des bases plus populaires, et beaucoup plus considérable. Cette milice est habillée comme elle l’entend : le gouvernement ne lui fournit que les armes ; mais une milice bourgeoise américaine est loin de cet esprit belliqueux qui, chez nous, en cas d’invasion, se montrerait aussi ardent que dans les dissensions civiles. C’est pourquoi on a imaginé les enrôlemens volontaires à prix d’or : mauvaise décision du congrès, je crois. On dit que le président voulait organiser régulièrement l’armée par le recrutement ; mais était-ce possible dans ce pays, qui a perdu, dans les loisirs de la paix, toute idée de la discipline nécessaire en temps de guerre ? Il faudra pourtant bien en venir là, si la guerre continue. Que faire avec ce ramassis de mercenaires dont une bonne partie avait d’ailleurs fourni son terme d’enrôlement