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reste donc encore à la Grande-Bretagne, puisque le nombre des déposans était à cette époque de 1 sur 24 habitans, et de 1 sur 32 chez nous.

Il y a d’autres moyens de prévoyance dont la pratique plus ou moins vulgarisée au sein des sociétés donne assez exactement la mesure de l’aisance qui y règne : ce sont les sociétés de secours mutuels (friendly societies en Angleterre), les caisses de retraite, les assurances sur la vie. Dans le monde britannique, les sociétés amicales se sont développées en pleine liberté, sans être privées pour cela d’une surveillance tutélaire de la part du gouvernement. On en a enregistré 28,550 depuis 1793 ; mais il ne paraît pas qu’il y en ait plus de 6,000 fonctionnant régulièrement, le bénéfice de leurs opérations s’étend à deux millions d’individus. Les rentes qu’elles distribuent en secours de toute espèce découlent d’une somme de 225 millions de francs, lentement accumulée : ce capital est placé en très grande partie dans la dette flottante de l’état, et ne fait double emploi avec le fonds des caisses d’épargne que pour une quarantaine de millions. Je signalerai, pour mémoire seulement, les caisses de retraite que l’état a essayé d’établir au profit des pauvres, et qui n’ont jamais pu recueillir plus de 3 millions de francs : le besoin de cette institution n’était pas senti en Angleterre, parce que les sociétés amicales servent des retraites à leurs membres, et que les banques à fonds réunis attirent au grand profit du pays une bonne partie des économies réalisées dans les petits ateliers et les petits comptoirs. Ces chiffres se rapportent aux classes qui sont placées au-dessous de la moyenne dans l’échelle des ressources et des conditions. — Voyons ce que les mêmes classes en France ont pu faire jusqu’à présent pour leur avenir. Nos sociétés de secours mutuels, aussi bien libres qu’autorisées, étaient à la fin de 1860 au nombre de 4,327, et comprenaient 559,820 membres, dont 65,137 honoraires, n’intervenant que pour exercer un patronage, et 494,683 admis à réclamer assistance en cas de maladie ou une petite subvention dans l’extrême vieillesse. Ces sociétés n’avaient pu réaliser que 25,404,037 francs, y compris les subventions et donation volontaires, qui sont considérables, et les 3 ou 4 millions versés dans la caisse de retraite. Quant à cette dernière institution, destinée (k servir des pensions viagères qui ne peuvent pas excéder 600 francs, elle a reçu depuis son origine jusqu’à la fin de 1859 la somme de 55,543,178 fr., ce qui représentait environ 55 francs de rente viagère pour chacun de ses 96,000 cliens. Si la comparaison avec l’Angleterre n’est pas en notre faveur, ce n’est pas que le sentiment de la prévoyance soit moins éveillé au sein de la population française : la différence, il est triste de le dire, n’a pas d’autre cause qu’une difficulté plus grande d’économiser.