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Morny, ont montré une tendance peu équitable et en tout cas malencontreuse, soit à imputer aux gouvernemens précédens une part de responsabilité dans la situation à laquelle on était arrivé, soit à atténuer le caractère grave des difficultés que cette situation présentait. N’a-t-on pas par exemple donné à entendre, à plusieurs reprises, que le gouvernement auquel a succédé la république de 1848 avait contribué pour une énorme part aux découverts qui existent actuellement ? A quoi bon répéter des insinuations démenties d’avance par les faits les mieux établis ? M. Vitet et M. Dumon ont démontré dans deux écrits, qui sont des modèles de discussion financière, que les découverts ne dépassaient pas, au moment de la révolution de 1848, la somme de 650 millions, et qu’encore il y était pourvu amplement par des ressources prévues, notamment par un emprunt en cours de versement. Y a-t-il aucun homme d’affaires qui ignore d’ailleurs que les élémens les plus importans de la dette flottante de cette époque, les fonds dus aux déposans des caisses d’épargne et les bons du trésor, ont cessé, dès 1848, de faire partie de cette dette, et ont été l’objet d’une consolidation ? M. Magne, dans le dernier budget qu’il ait présenté, celui de 1861, a donné l’état des découverts : la période antérieure à 1848 n’y figure que pour 292 millions. La courte période de la république y ajouta 359 millions, et c’est ainsi que la période impériale hérita d’un découvert de 652 millions. Où s’arrêterait d’ailleurs cette oiseuse querelle à propos de découverts entre les divers régimes qui se sont succédé en France ? La république réclamerait contre la monarchie de 1830 ; le régime de juillet prouverait que dans son découvert figure celui qu’a laissé la restauration ; la restauration s’en prendrait au premier empire, et en quoi ces controverses sur de vieilles liquidations rétrospectives répondraient-elles aux besoins de l’heure présente ? L’empire a reçu des régimes antérieurs et de son prédécesseur immédiat, le régime républicain, un découvert de 652 millions, soit ; mais ce désordre ne figurait-il pas parmi ceux qu’il avait mission de réparer ? De même à quoi bon tous ces efforts pour pallier la négligence ou l’imprévoyance de l’administration financière qui nous a conduits où nous sommes, c’est-à-dire à une situation qui réclamait le remède héroïque de la suppression des crédits ouverts par décrets, remède auquel au surplus vous avez eu le mérite de recourir ? Le fait est là, dans sa réalité rigoureuse : malgré des emprunts qui se sont élevés à 2 milliards, malgré des consolidations successives qui ont, il y a cinq ans, atténué de plus de 200 millions la dette flottante ; malgré l’emprunt des obligations trentenaires, malgré des accroissemens du revenu public qui ont atteint des centaines de millions, — vous vous trouvez en face d’un découvert de 963 millions, sans compter les 61 millions provenant des paiemens de l’emprunt grec et des prêts faits à l’industrie, lesquels, M. Fould nous en prévient dans une note de son rapport, sont supportés par la dette flottante. Ne songeons qu’au présent et à l’application sévère du système d’économie que, de l’aveu commun, le présent im-