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pose. Le moment où l’on s’amende n’est point celui où l’on doit s’enorgueillir ; ce n’est pas non plus celui où il est à propos de charger le prochain : un peu de contrition et quelque charité siéraient mieux.

Tournons donc les uns et les autres notre attention exclusive sur le présent et sur l’ensemble des mesures préparées et proposées par M. Fould. Le plan de M. Fould est de la nature de ces combinaisons financières que les Anglais appellent compréhensives, c’est-à-dire qui embrassent un grand nombre d’objets, qui agitent une multitude d’intérêts, qui mettent beaucoup de questions en train, et qui ouvrent à la politique de nouvelles et lointaines perspectives. Nous distinguons trois choses dans le rapport de M. Fould : un système de comptabilité financière, la première application que le ministre fait de ce système au budget de 1863, les mesures prises pour améliorer la situation financière générale et atténuer les anciens découverts. Nous allons examiner successivement ces trois aspects du plan ministériel.

Il était aisé d’entrevoir quel serait le système de comptabilité, la méthode budgétaire que devait entraîner la résolution prise dès le 14 novembre de renoncer aux crédits extraordinaires ouverts par décrets. Nous-mêmes nous avions indiqué vaguement le principe de cette méthode. Désormais le budget français ne devait estimer et porter que des dépenses pour lesquelles des ressources correspondantes réalisables dans l’année auraient été prévues. Nous ne l’avons pas dissimulé des le début, l’application de ce principe au gouvernement de nos finances avait à nos yeux une grande importance. Nous sommes surpris, nous l’avouons, que l’importance politique de cette heureuse innovation n’ait été bien comprise ni par nos amis, ni par nos adversaires, ni par les libéraux, ni par les partisans de l’autocratie. La presse libérale anglaise a bien mieux saisi que la nôtre la portée de cette réforme : cela s’explique par la supériorité que la presse anglaise a sur la nôtre en connaissances financières et économiques et par la longue pratique qui a enseigné aux Anglais que c’est au cœur des questions financières que les questions politiques viennent aboutir. Les causes de notre ignorance en ces matières sont trop évidentes. Avec le système des crédits ouverts par décrets, la discussion de notre budget soi-disant normal n’offrait plus d’intérêt : le budget n’était plus intelligible même pour un grand nombre d’esprits adonnés à la politique ; pour la masse du public, il n’était qu’un fastidieux grimoire. M. Magne s’étonnait récemment que le budget français, qui est si méthodiquement exposé dans d’énormes in-quarto, fût si peu connu en réalité au sein même des assemblées législatives. La raison de cette ignorance universelle n’est que trop manifeste : l’utilité du travail en est le principal attrait. Or à quoi servaient l’examen et la discussion du budget normal, puisqu’il n’était pas le budget complet, le budget véritable ? Les députés ne savaient-ils pas qu’ils n’étaient pas maîtres de l’équilibre de la dépense et du revenu ? Ne savaient-ils pas que la dépense était engagée