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sans contribuer toutefois à sa défense. Faute de cela, Miramon n’avait d’autre expédient que les réquisitions et les emprunts forcés, prélevés en grande partie sur les intérêts étrangers, qui se trouvaient ainsi contribuer à entretenir une guerre civile qui les ruinait. D’un autre côté, si le jeune président de Mexico avait été longtemps heureux comme soldat, il ne tardait pas à souffrir de cette absence de toute ressource. Un jour, en 1860, il fut battu à Silao, et ce fut le commencement de la fin. Quelques mois plus tard, une nouvelle et plus décisive défaite, essuyée à peu de distance de la capitale, le réduisit à partir, et ouvrit les ports de Mexico à l’armée prétendue constitutionnelle, au gouvernement de M. Juarez. Était-ce du moins la fin, et la lutte se terminait-elle par la victoire décisive de l’un des pouvoirs rivaux ? Ce n’était pas même une trêve ; seulement le rôle changeait entre les partis. Ce n’était plus cette fois Miramon qui était assiégé dans Mexico, c’était M. Juarez ; ce n’étaient plus les bandes constitutionnelles qui tenaient la campagne, c’étaient les partisans du pouvoir vaincu, les conservateurs, dont les chefs, agissant pour leur propre compte et nullement soumis, recommençaient la guerre, une guerre qui a plus d’une fois tenu en échec le gouvernement de M. Juarez, en prolongeant une anarchie indescriptible, en aggravant la ruine de tous les intérêts étrangers.

Ce qu’il y a de grave en effet dans ces crises de l’anarchie mexicaine, c’est qu’elles ne sont pas seulement désastreuses pour le pays lui-même, pour l’humanité ; elles livrent encore la vie et les intérêts de tous les étrangers aux caprices les plus violens. Les gouvernemens aussi bien que les chefs de bandes agissent le plus souvent sans nul scrupule. Depuis cinq années particulièrement, l’Europe assiste au spectacle d’un pays où rien n’est respecté, ni les droits les plus simples, ni la sécurité, ni les engagemens publics. Nous ne parlons pas même des emprunts forcés, qui ont une apparence de régularité, ou des agressions individuelles, qui sont possibles partout. Malheureusement au Mexique la violence à l’égard des étrangers et le mépris de leurs droits ont un caractère systématique et permanent. Un jour, en 1859, les fédéraux pillaient la maison de monnaie de Guanajuato et s’emparaient d’une somme considérable appartenant à des Anglais. Un des ministres de M. Juarez répondait simplement, pour expliquer le fait, que ce n’était là « qu’une occupation temporaire des fonds étrangers destinés à subvenir aux besoins les plus pressans de l’armée fédérale. » De son côté, un des lieutenans de Miramon en faisait tout autant peu après avec un convoi d’argent, et ce ne sont là que de bien faibles exemples. La vie elle-même des étrangers n,’est nullement en sûreté. On peut se souvenir des massacres organisés en quelque sorte, il y a peu d’années, contre les Espagnols, désignés à la haine populaire sous le nom de gachupines. Le vieux général Alvarez fut accusé, à cette époque, d’avoir trempé lui-même dans ces massacres. Une autre fois c’était le tour de quelques Allemands, qui, choisissant bien leur temps à la vérité, avaient projeté, au plus fort