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que le nom de l’archiduc Maximilien a été livré à l’opinion, un peu surprise. Ce n’est pas l’établissement d’une monarchie qui est malaisé ; un vote, on l’obtiendra à coup sûr, si on le veut. Le difficile est d’asseoir cette monarchie sut, un sol tourmenté, de la faire durer. Une occupation plus ou moins limitée deviendrait fatalement inévitable, de telle sorte que la politique européenne se trouve placée entre tous les inconvéniens d’une action inefficace et les dangers d’une entreprise dont on ne peut pressentir ni les proportions, ni la portée, ni le terme.

Une chose curieuse, c’est la différence des dispositions qui semble se manifester chez les trois puissances engagées dans l’expédition du Mexique. L’Angleterre voit cette entreprise avec calme, et si la France envoie ses soldats à la Vera-Cruz, à Mexico, ce ne sont pas les Anglais qui peuvent s’en émouvoir. La France entre dans cette affaire avec un goût visiblement peu prononcé. Il n’y a que l’Espagne, nous le disions, qui s’échauffe depuis quelques mois et qui, en fait de réparations à exiger du Mexique, semble vouloir regagner le temps perdu. Peut-être trouvera-t-on que le cabinet espagnol laisse trop apercevoir le besoin de chercher dans les diversions extérieures des garanties pour sa sécurité à Madrid. La vérité est qu’après avoir poussé la longanimité à l’égard du Mexique jusqu’à un degré qu’on a pu lui reprocher quelquefois, le gouvernement espagnol semble pris tout à coup d’une fièvre belliqueuse dans laquelle on peut voir quelque exagération, et que, pour assurer dans le moment au ministère l’appui du sentiment patriotique, il s’expose à infliger à ce sentiment des déceptions de plus d’une nature. Ce n’est pas d’hier en effet que l’Espagne a des griefs contre le Mexique. Il y a trois ans, elle voyait massacrer ses nationaux ; il y a un an, elle voyait chasser son ambassadeur, et le cabinet de Madrid louvoyait visiblement. Pendant ce temps, il est vrai, il cherchait à sonder la France et l’Angleterre ; il s’efforçait de les attirer dans une action commune, et, ne les trouvant pas disposées, il ne faisait rien lui-même. Le cabinet espagnol avait de bonnes raisons sans doute ; il ne voulait pas s’exposer à une guerre maritime avec les États-Unis ; il n’avait pas de moyens d’action suffisans, comme on peut le voir dans les documens publiés à Madrid ; il voulait choisir son heure. Seulement, ce qu’on peut constater, c’est que l’heure n’est venue que lorsque l’Espagne a pu compter sur la France et l’Angleterre, et ce n’est pas, ce nous semble, une raison pour que le ministre des affaires étrangères de Madrid, M. Calderon Collantes, ait pu dire avec vérité, comme il l’a dit récemment, que la France et l’Angleterre ne se sont décidées à intervenir que quand elles ont vu l’Espagne énergiquement résolue à agir seule. M. Calderon Collantes s’exagère certainement à lui-même le rôle de la diplomatie, qui n’a pas cette puissance entraînante. Au fond, rien n’égalé la longanimité, fort sage sans doute, que le ministre espagnol a montrée pendant plusieurs années, si ce n’est la précipitation qu’il semble montrer depuis