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l’oublie : cette date, qu’on aime tant à rappeler dans le domaine purement politique, n’est point un mot, elle est tout un symbole, si l’on peut ainsi parler. Notre magistrature est avant tout la magistrature de 1789, celle qui a été faite pour les libertés publiques ; si par quelques glorieuses traditions elle se rattache au passé, sa constitution est moderne.

Essayons de l’étudier au milieu du mouvement de chaque jour, de constater l’influence qu’elle peut exercer sur les choses d’intérêt public et d’intérêt privé, et d’envisager aussi la situation nouvelle qui lui a été faite à l’endroit de la presse ; mais plus d’une difficulté nous arrêtera dès l’abord et demandera une solution. La justice en elle-même est-elle un véritable pouvoir dans l’état ? Peut-elle prétendre à une complète indépendance pour accomplir une mission qui paraît, il est vrai, devoir tout dominer, gouvernans et gouvernés, hommes et choses ? Ou bien ne faut-il voir dans le magistrat que le délégué du pouvoir exécutif, dans l’inamovibilité qu’un bienfait du prince ? De son côté, le jury n’est-il dans nos lois qu’une juridiction exceptionnelle, qu’une imitation plus ou moins réussie de la constitution judiciaire d’un peuple voisin, en un mot qu’une plante exotique sur le sol du pays ? A son tour, le juré est-il bien le représentant de la société, où tout simplement, comme on l’a dit, une sorte de fonctionnaire ? Qu’on veuille bien ne pas s’y méprendre, ce ne sont point là de vaines théories d’école, des questions dénuées d’intérêt et de résultats pratiques. On reconnaîtra bientôt que là est en quelque sorte le pivot de notre organisation judiciaire. L’assemblée constituante avait senti combien il importait de mettre en évidence certains principes et de les dégager de l’ensemble de ses travaux ; ces phares éclatans placés par elle aux limites de l’ancienne société n’ont pas cessé de projeter leur lumière sur nos institutions malgré les intermittences d’obscurité qui ont eu lieu à certaines époques, sous divers règnes.

Plusieurs publications pourront nous offrir leur tribut dans cette étude. Les unes ont courageusement repris l’histoire de nos anciens tribunaux et fait renaître de ses cendres cette antique magistrature déjà si effacée des souvenirs ; c’est ainsi que M. de Bastard a retracé l’organisation des parlemens et tiré de la poussière des greffes la judicature toulousaine, à laquelle se relie son nom par d’honorables souvenirs. D’autres écrivains ont entrepris de ranimer ces débats pleins de jeunesse et de feu qui retentirent à la tribune française, lorsque la monarchie constitutionnelle voulut reprendre l’œuvre interrompue de l’assemblée constituante, et donner enfin au pays, par une sage et libérale réglementation de la presse, les garanties qui lui avaient été promises dans l’action de la justice. La