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LE
HAUT-NIL ET LE SOUDAN

SOUVENIRS DE VOYAGE


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I.

LES EMPIRES NOIRS ET LES NOUVELLES DÉCOUVERTES DU FLEUVE-BLANC.


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Un des premiers jours de mai 1860, je suivais, le long de la rive droite du Nil-Bleu, un de ces larges sentiers percés à travers les bois et si chers aux caravanes nubiennes. De fréquentes éclaircies permettaient de voir, entre deux berges noires coupées à pic, le bleu sombre des eaux ; du fleuve sacré ; de loin en loin, la roue gémissante d’une sakié, ou puits d’arrosage, avec son éternel bœuf maigre qu’aiguillonnait un enfant presque nu, assis sur la machine ; au-delà du fleuve, une rive nue et monotone, portant pour toute végétation quelques asclepias vénéneuses, et bornée à l’horizon par les dunes mouvantes du gouz, de la mer de sable. Peu à peu cependant ce triste paysage s’anima : autour de moi, la forêt avait fait place aux buissons ; sur la rive opposée, aux maigres champs de pastèques avait succédé presque sans transition une ligne de vastes jardins auxquels des massifs de palmiers en plein rapport donnaient le plantureux aspect des environs du Caire ou de Syout. Une heure après, je débarquais au pied d’un de ces jardins, et je pénétrais par un fouillis de rues désertes au cœur d’une ville de près de quarante