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plus aisé d’abdiquer en partie au profit de l’avenir les droits de la critique sur le passé. L’opinion publique s’est montrée juste pour le souverain comme pour son ministre. Si le premier pouvait avoir à se plaindre, ce serait du zèle avec lequel certains commentateurs ont cherché à amoindrir les conséquences de sa décision et à enfermer pour ainsi dire ses résolutions futures dans des limites qu’il a seul le droit de tracer. Quant à M. Fould, jamais, depuis la chute du gouvernement parlementaire, la nomination d’un ministre n’avait produit une impression si marquée. Un ministre des finances, même sous un régime qui l’isole du public et paraît le soustraire à son contrôle, a besoin plus qu’aucun de ses collègues de présenter quelques garanties d’expérience et d’être cru capable d’opposer quelque résistance aux entraînemens de tout genre qui l’assiègent. Tels sont les motifs qui ont disposé les hommes de finance à favorablement accueillir l’entrée de M. Fould au ministère. Le public a généralement partagé cette manière de voir. Sachant gré au nouveau ministre de la fermeté de ses appréciations, entendant avec satisfaction le langage pratique des affaires, il a pensé que le choix de l’empereur, enfermé dans le cercle de ceux à qui leur situation permettait d’aspirer à cet honneur, s’était bien adressé. La Bourse a témoigné son approbation par une hausse sensible. Ce sentiment général est si prononcé, que je ne ferai qu’y répondre en cherchant uniquement dans le langage de M, Fould le caractère et la portée de la réforme projetée.

Le rapport présenté au sénat par M. Troplong sur le projet de sénatus-consulte destiné à modifier les articles 4 et 12 du sénatus-consulte du 2 décembre 1852 n’a été que la longue paraphrase du mémoire de M. Fould. M. le président du sénat n’y a guère joint de sa propre inspiration que les éloges sans réserve qu’il prodigue volontiers aux institutions actuelles. Cette disposition est si remarquable chez lui, qu’elle le conduit à louer à la fois ce qu’il propose de changer et ce qu’il propose de mettre à la place, de telle sorte que ses lecteurs, quelque préparés qu’ils soient à se laisser guider par lui, incertains de savoir de quel côté sont ses préférences, peuvent hésiter souvent sur le sens dans lequel ils doivent diriger les leurs. M. le président du sénat, il est inutile de l’ajouter, n’a pas négligé cette occasion de renouveler les critiques si vives qu’il aime à prodiguer à tous les régimes précédens. Quelle que soit l’importance de cette pièce, je ne vois pas de motifs pour chercher ailleurs que dans le mémoire à l’empereur le véritable exposé de motifs du sénatus-consulte. C’est à M. Fould que revient l’honneur de la tentative de réforme, et je ne doute pas qu’il n’accepte, qu’il ne réclame même toute la responsabilité qui lui appartient.