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d’ailleurs besoin ni de récriminations ni de comparaisons pour montrer combien il était indispensable d’apporter des changemens au système qui a produit en dix ans les résultats que M. le ministre résume ainsi : « deux milliards d’emprunts en rentes, auxquels il faut ajouter 100 millions d’augmentation du capital de la Banque, — 135 millions consolidés en rentes en 1857 pour la caisse de la dotation de l’armée, et depuis tous les fonds de cette caisse successivement absorbés, — 132 millions d’obligations trentenaires, — 2 milliards 800 millions de crédits extraordinaires dont on a vu cette année avec regret les plus considérables s’ouvrir après la session des chambres, — 1 milliard de découverts, — le recours au crédit sous toutes les formes, à l’emprunt sous tous les modes possibles, — l’emploi des ressources des établissemens spéciaux dont l’état a la direction, — l’absorption complète des capitaux appartenant à la caisse de la dotation de l’armée ;… » — puis, comme conséquence : « l’état du crédit devant d’autant plus attirer l’attention de l’empereur que la situation des finances préoccupe tous les esprits, — : le sénat et le corps législatif exprimant leur inquiétude, ce sentiment pénétrant dans la classe des hommes d’affaires, qui tous présagent et annoncent une crise d’autant plus grave qu’à l’exemple de l’état, et dans un but d’amélioration et de progrès peut-être trop précipité, les départemens, les villes et les compagnies particulières se sont lancés dans des dépenses très considérables. »

Ainsi parlait, il y a trois mois, M. le ministre des finances. Ayant reconnu le mal, jusqu’à ce jour si souvent contesté, quoique si souvent signalé, il l’a résolument dénoncé dans un langage qui forme un éclatant contraste avec l’optimisme que les organes du gouvernement opposaient, dans la session dernière, aux craintes exprimées par quelques membres du corps législatif. La franchise de M. Fould a rendu un service signalé ; il faut l’en féliciter et lui en savoir gré. Malheureusement le mémoire cesse trop tôt d’obtenir un assentiment unanime. « Le véritable moyen de conjurer cette crise, dit M. Fould en terminant la peinture de la situation, c’est d’agir avec promptitude et décision et de fermer la source du mal en supprimant les crédits supplémentaires et extraordinaires. » Quelque partisan qu’on soit de la réduction des crédits extra-budgétaires, on aura de la peine à reconnaître à cette réduction seule une telle efficacité. C’est à dessein que je dis réduction, ma raison se refusant à croire à la suppression. La suppression complète des dépenses supplémentaires et extraordinaires n’est pas possible et ne sera jamais réalisée. Il est donc fort à craindre que l’organisation nouvelle du système de viremens n’entraîné avec elle la plupart des inconvéniens qu’on veut éviter, et qu’il n’y ait que les noms de changés.