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des susceptibilités a empêché d’exiger son assentiment, et qu’il n’en sera pas autrement dans la pratique.

L’innovation la plus considérable, la plus heureuse, dont il est permis d’attendre des effets durables, a été proposée à l’approbation de l’empereur par M. Fould dans son rapport du 20 janvier Le budget sera divisé en budget ordinaire et en budget extraordinaire. Cette division existait déjà, ou à peu, près, quant au budget des dépenses : , elle n’existait pas pour les recettes. « Je propose à votre majesté, a dit M. Fould, d’établir cette distinction entre les dépenses de natures diverses comme règle de la préparation du budget, et de renfermer les dépenses extraordinaires dans une loi à part, en leur affectant des ressources spéciales et définies qui auront, comme les charges auxquelles elles sont destinées à faire face, un caractère temporaire. » Trop d’éloges ne peuvent être donnés à une semblable mesure : appliquée plus tôt, elle aurait prévenu de fâcheux mécomptes ; elle serait utile aux gouvernemens les plus libres, à ceux où le contrôle des représentons du pays est le mieux assuré, car elle donne de puissans moyens soit de résister aux goûts aventureux et aux fantaisies ruineuses, soit de répondre victorieusement aux plaintes de ceux qui regretteraient de ne pas voir imprimer aux travaux publics une assez vive impulsion. Désormais chacun saura non-seulement que quand on dépense il faut payer, mais, avant de dépenser, chacun devra chercher avec quoi on pourra payer. Il était commode d’ordonner des dépenses souvent utiles sans être indispensables, quelquefois populaires sans être utiles, de renvoyer par une formule banale aux ressources de la dette flottante le soin d’y pourvoir. Les formes dans lesquelles sera présenté et voté le budget extraordinaire ne sont pas encore indiquées. Si, comme le budget ordinaire, il est voté par grandes sections, si aucune modification aux propositions, du gouvernement ne peut être admise sans le consentement du conseil d’état, la nouvelle organisation perdra une très grande partie de sa valeur. Tout gouvernement est certainement intéressé à ne proposer que des dépenses utiles ; mais enfin personne n’est infaillible en ce monde. Qu’adviendra-t-il si, parmi ces dépenses, il s’en trouve que le corps législatif veuille ajourner ou supprimer ? Il adviendra ce qui est déjà souvent arrivé[1]. Lorsque, sur dix propositions, une seule sera

  1. Particulièrement dans la séance du 26 juin 1860, où, malgré ses efforts, le corps législatif ne put obtenir de voter autrement que par ministère trente et un millions de crédits extraordinaires pris sur le reliquat de l’emprunt de 500 millions contracté pour la guerre d’Italie. Plusieurs de ces crédits obtenaient une approbation générale, d’autres étaient vivement critiqués ; il fallut absolument voter en bloc. — Voyez le Moniteur du 28 juin 1860.