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une assimilation rapide par les plantes, ne se rencontrent là en excès, ni même en quantité suffisante.

Par exemple, dans le département du Nord, où les phosphates minéraux ont paru inertes, toutes les déjections animales, si facilement décomposables en carbonate d’ammoniaque, se sont toujours montrées d’une efficacité remarquable. Ainsi les déjections des oiseaux réunis dans les colombiers, l’engrais flamand, mélange fluide extrait des fosses et conservé dans de vastes citernes à portée des routes et des champs, sont depuis longtemps employés avec un grand succès dans les arrondissemens de Lille et de Valenciennes. Est-ce à dire que les matières azotées accumulées dans le sol s’y trouvent en quantités inférieures à celles qui correspondraient aux principes immédiats sécrétés par la plus riche végétation ? Bien loin de là sans doute, car le terrain en recèle aussi d’énormes quantités dans l’épaisseur de la couche que peuvent atteindre les racines ; mais ces substances, qui déjà ont résisté à l’action des précédentes cultures, se décomposent avec trop de lenteur pour alimenter largement, dans le cours d’une saison, une végétation très active, et fournir les matériaux du maximum de récolte. Ces dernières conditions ne peuvent donc être remplies que par les engrais solubles ou rapidement transformables en produits ammoniacaux.

Les plus anciennes pratiques qu’on doive à la tradition s’accordent sur ce point avec les plus sûres observations contemporaines. Ne voit-on pas, d’une part, dans les cultures intensives sur les terres surchargées de détritus et spontanément ou manuellement arrosées à profusion dans le Céleste-Empire, ne voit-on pas, dis-je, les nombreux petits cultivateurs chinois, depuis leur enfance jusqu’à leur extrême vieillesse, s’occuper à recueillir avec des soins minutieux les engrais mixtes formés de détritus, débris ou déjections des animaux, pour les répandre avec une économie remarquable à la portée des plantes dont ils veulent favoriser la végétation ? Ils savent bien qu’aucune autre classe d’engrais salins ou minéraux, ligneux ou pauvres en substance azotée fermentescible, n’ajouterait d’élémens utiles à la fertilité immémoriale de leurs terres, encombrées de débris organiques des végétations précédentes. — D’un autre côté, ne voyons-nous pas nous-mêmes chaque jour autour des villes populeuses nos laborieux et habiles horticulteurs renouveler leurs terreaux, riches cependant en humus et en débris végétaux, pour les remplacer par des fumiers bien plus actifs en raison des liquides ou des substances solubles et putrescibles dont ils sont imprégnés ?

Tous ces exemples, tous ces faits précis et corrélatifs s’accordent avec les théories généralement admises pour démontrer qu’il ne suffit pas qu’un sol contienne, même en abondance, les élémens minéraux