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dépourvues de moyens économiques de transports, on cultive le lupin pour en récolter la graine. Cette graine sert elle-même à la nourriture de populations pauvres ; mais la plus grande partie de cette récolte, qui excéderait les besoins de la consommation, est livrée comme engrais aux agriculteurs plus rapprochés des villes ; Toutefois les terrains d’assez peu de valeur qui préparent cette sorte d’engrais ne tarderont pas à changer de destination à mesure que les canaux, les lignes ferrées ou leurs embranchemens seront prolongés dans le voisinage. En tout cas, les cultivateurs italiens, toscans ou lombards, qui ont encore recours à cette fumure, soumettent à une préparation spéciale les graines avant de les répandre comme engrais sur leurs terres. Il faut en effet qu’au lieu de végéter et de puiser leur nourriture d’abord dans leurs propres organes (cotylédons) et ensuite dans le sol, elles le fécondent en subissant elles-mêmes la décomposition, spontanée. On parvient sans peine à leur faire perdre la propriété germinatrice en enlevant à l’embryon sa vitalité par une torréfaction légère dans un four.

Au surplus, la pratique des engrais verts ou des autres engrais obtenus directement de la végétation ne saurait se généraliser, car ils accumuleraient sur le sol des débris trop pauvres en substances azotées, trop abondans en résidus ligneux dont il faudrait se débarrasser ultérieurement à l’aide de l’écobuage ou de l’incinération partielle, qui ménage les substances minérales et une portion des substances azotées. Les engrais végétaux obtenus dans de telles conditions ne sauraient qu’exceptionnellement convenir aux exploitations où l’agriculture est très avancée, car sur un terrain très fertile la production en serait trop dispendieuse et donnerait de médiocres résultats. On voit que, parmi les engrais mixtes, ceux qui contiennent en plus fortes proportions des substances minérales, lorsque celles-ci sont insuffisantes dans le sol, et les matières organiques azotées dans un état de solubilité ou de décomposition facile, conviennent sur toutes les terres arables, et à peu près exclusivement pour les plus progressives et les plus riches cultures. Telles sont aussi les qualités que l’on recherche dans les engrais mixtes livrés au commerce, celles que l’on se propose de déterminer expérimentalement par l’analyse, soit pour en apprécier la valeur, soit pour reconnaître les falsifications parfois très graves qu’on a pu leur faire subir.


II. — COMMERCE DES ENGRAIS.

Ce n’est guère que depuis l’époque où furent mises au jour, vers 1821, les remarquables propriétés fertilisantes du noir animal,