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des Allemands, on en vient à penser qu’ils ont à se garder seulement de leurs propres excès. Une des grandes puissances germaniques, « qui marche d’un pas calme et sûr vers le progrès, » a particulièrement charge d’âmes. Ce serait à elle la première de ne pas mettre en péril la constitution fédérale en dépassant les bornes de la modération, et de faire entrer l’Allemagne tout entière avec elle et d’un même pas sur le terrain des libertés constitutionnelles, où s’établirait le plus facilement une entente commune. Quelques réformes partielles de l’acte fédéral rendraient sans doute aisée cette œuvre générale. Il faudrait seulement souhaiter que nul imminent danger ne fût suscité du dehors contre l’Allemagne, ni par d’autres ni par elle-même, avant l’achèvement de ce grand travail intérieur, car, le trouble actuel s’en aggravant, il y aurait lieu de redouter des divisions peut-être irrémédiables pour l’Allemagne, et pour l’Europe aussi un ébranlement funeste.


I

Il n’est guère possible, avons-nous dit, de juger aujourd’hui l’œuvre constitutive de 1815 et les attaques dont elle est l’objet, si l’on ne se rappelle sous quelles inspirations et en présence de quels vœux multiples cette œuvre a été accomplie. En même temps qu’on s’expliquera, si l’on reprend de tels souvenirs, certaines de ses imperfections, aggravées peut-être par la durée, on reconnaîtra au nombre des griefs actuels les mêmes désirs qui n’ont pu être exaucés primitivement.

La constitution de la confédération germanique repose sur deux actes qu’il importe de ne pas confondre, parce qu’ils trahissent, pour les avoir subies et transmises, des influences différentes : l’acte fédéral du 8 juin 1815 et l’acte final des conférences de Vienne, daté de 1820.

Dès le temps même de la guerre de la délivrance et aussitôt après la ruine de la confédération du Rhin, l’Allemagne aspirait à sa reconstitution politique. Les souverains alliés ne tardèrent pas à comprendre que la satisfaction de ce vœu était leur premier et leur plus impérieux devoir, s’ils voulaient assurer définitivement la paix à l’Europe. Seulement leur tâche était difficile : ils avaient à distinguer, au milieu de l’ébranlement général des esprits, quels devaient être les principes de cette régénération. S’il était évident que la constitution nouvelle, pour envelopper tout ce peuple et le doter, en présence de l’étranger, de l’unité nationale, devait prendre ses racines dans son caractère propre et dans ses instincts traditionnels, il était clair aussi que le rétablissement pur et simple du passé était