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de Kotzebue, puis, comme symboles du despotisme administratif et militaire, une perruque et une canne de caporal. Fort innocentes en elles-mêmes, ces démonstrations d’une jeunesse exaltée avaient été facilement interprétées comme factieuses ; on prétendit qu’on avait brûlé dans l’auto-da-fé de la Wartbourg non-seulement l’acte fédéral et celui de la sainte-alliance, mais encore les symboles sacrés de la foi chrétienne et une image de Martin Luther. Ces calomnies avaient déjà suscité un commencement de persécution, lorsque des événemens inattendus y ajoutèrent de nouveaux prétextes.

Après avoir rédigé à Berlin un journal hostile à la France, puis rempli les fonctions de secrétaire près de l’empereur Alexandre, le Saxon Kotzebue, de retour en Allemagne, passait pour faire le métier d’espion au service de la Russie ; on l’accusait particulièrement d’avoir dénoncé et signalé aux poursuites ceux des professeurs d’Iéna qui avaient pris part à la formation de la Burschensrhaft. Un étudiant nommé Sand, qui faisait partie de l’association, voyant en lui un ennemi dangereux et acharné de la nouvelle Allemagne, se crut appelé à en délivrer sa patrie, et l’assassina à Mannheim le 23 mars 1819. Au même moment, un insensé, nommé Löning, tenta inutilement d’assassiner le conseiller d’état Ibell, qui dirigeait le gouvernement de Nassau. C’étaient deux faits isolés et sans complices, et qui attestaient seulement l’agitation malsaine d’un état politique mal fixé. Au lieu de comprendre que le remède était dans les institutions et que les esprits irrités par un manque de foi n’étaient pas les seuls coupables, les gouvernemens affectèrent de croire à un vaste et criminel complot préparant la chute des trônes et le meurtre des personnes couronnées. Déjà au congrès d’Aix-la-Chapelle, pendant l’automne de 1818, l’asservissement de la presse et la diminution des privilèges universitaires avaient été proposés comme mesures préventives contre la conspiration universelle qu’on redoutait. Le congrès de Carlsbad, assemblé au mois d’août 1819, après le meurtre de Kotzebue, consacra ces mesures ; de plus, oubliant toute prudence, il adopta l’interprétation de M. de Metternich sur l’article 13 de l’acte fédéral, et déclara que les libertés promises par cet article ne devaient pas dépasser celles des diverses assemblées provinciales que certains pays de l’Allemagne avaient possédées jusque-là. En même temps une commission d’enquête fut instituée à Mayence pour la recherche des prétendues menées révolutionnaires. La diète de Francfort, qu’on n’avait pas consultée, approuva et sanctionna sans nulle résistance ces résolutions, dont elle allait assumer et subir tout l’odieux.

C’est ici un moment des plus graves dans l’histoire de la constitution actuelle de l’Allemagne. À partir du congrès de Carlsbad en