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de l’empereur, et les Allemands d’aujourd’hui ne se comportent pas autrement quand ils maintiennent chez eux contre le courant des théories venues du dehors la multiplicité des souverainetés nationales. Napoléon Ier, lorsque toute une partie de l’Allemagne le reconnaissait pour maître, de 1806 à 1813, ne manqua pas de l’organiser en une confédération dont il s’intitula seulement le protecteur, et si l’Allemagne a pu renier ensuite à bon droit le souvenir de cette intervention étrangère, la confédération du Rhin n’en a pas moins été un préambule naturel pour l’œuvre de 1815.

Telle qu’elle est, et quelle que soit sa force intérieure et vitale, la constitution fédérative de l’Allemagne n’est pas assez parfaite, et surtout elle est trop en désaccord avec certaines tendances (faut-il dire certaines nécessités ?) de notre époque pour ne pas être l’objet d’attaques de la part des Allemands eux-mêmes. Ces attaques, ou, si l’on veut, ces essais et ces velléités de transformation se multiplient dans les momens de crise européenne, toutes les fois que l’Allemagne est amenée à sentir son défaut d’initiative plus vivement que sa force de cohésion, toute défensive il est vrai. L’année 1859 amena pour elle une pareille humiliation ; elle n’en est pas remise encore, et c’est de là que date le renouvellement de l’agitation politique dont elle souffre aujourd’hui. Étudions ce mouvement intérieur ; ses principaux caractères nous paraîtront déterminés par le double penchant du génie allemand : d’une part, l’idéalisme germanique nous apparaîtra au fond des théories unitaires ; d’autre part, nous verrons la protestation constante du particularisme opposer un contre-poids, non sans des tiraillemens pénibles, qui pourraient faire craindre que, sous l’influence de quelque ambition excessive au dedans, ou de quelques graves circonstances venues du dehors, l’équilibre ne se rompît un jour, au grand détriment de l’Europe et sans aucun doute de l’Allemagne elle-même.


II

L’Allemagne a toujours eu des unitaires, et ces unitaires ont toujours trouvé des historiens[1]. Nous ne voulons nous occuper ici que des efforts vers l’unité germanique suscités ou encouragés à nouveau par le récent affaiblissement de l’Autriche, de l’étroite connexion de ces efforts avec les espérances, tout au moins avec les

  1. Le volume du docteur Klüpfel sur l’histoire de leurs tentatives commence à Charlemagne, et le professeur Kaltenborn, qui se propose d’exposer cette même histoire seulement pour la première partie du XIXe siècle, en remplit deux gros volumes. — Die deutschen Einheitsbestrebungen in ihrem geschichtlichen Zuzammenhange (Les Efforts de l’Allemagne vers l’unité dans leur corrélation historique), von Dr Karl Klüpfel ; Leipzig 1853. — Histoire des rapports fédéraux de l’Allemagne et de ses efforts vers l’unité, de 1806 à 1856, en tenant compte du développement des constitutions particulières (Geschichte der deutschen Bundesverhältnisse und Einheitsbestrebungen von 1806 bis 1856 unter Berücksichtigung der Entwickelung der Landesverfassungen), von Carl von Kaltenborn, professor ; 2 volumes, Berlin 1857.