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de son autorité. Un archéologue anglais a écrit une longue et savante dissertation pour prouver qu’à l’origine le sceptre était un manche de fouet. Ce symbole de la toute-puissance est resté à la forme primitive entre les mains du feeder, fonctionnaire chargé de pourvoir à la nourriture des chiens et de les entretenir en bonne santé. Nous entrâmes d’abord dans la cuisine (boiling house), où se trouvaient deux immenses chaudières de fonte solidement fixées sur des fourneaux construits en brique. Une de ces chaudières servait à cuire la farine de gruau, et l’autre à bouillir la viande de cheval. De cette cuisine pour les chiens, on passe dans une première cour soigneusement dallée, exposée au soleil et rafraîchie par une fontaine d’eau limpide qui coule perpétuellement dans un bassin de pierre. C’est là qu’une partie de la meute va prendre ses récréations durant les jours de captivité. À droite de cette cour s’ouvre une première chambre à coucher (lodging room), haute d’environ douze ou quatorze pieds, pavée en tuile vernie, éclairée par trois ou quatre fenêtres, qui ressemblent, pour la forme et pour la position, aux fenêtres de nos églises. Les murs se montrent irréprochablement blanchis à la chaux, et du sol s’élèvent des espèces de lits, si l’on peut donner ce nom à des bordures de bois d’une vingtaine de pouces de hauteur, et dans lesquelles s’étend une couche de paille fraîche. À mon entrée dans cette salle, je me trouvai entouré par un peuple de chiens aux jambes droites, aux pieds ronds, au large dos, au museau vaste et allongé, mais dont l’honnête figure annonçait après tout la bonté et le désir de faire connaissance avec moi. Il y a maintenant cinquante-sept couples dans les chenils de Berkeley ; il y en avait autrefois quatre-vingt-dix. La plupart de ces chiens sont nés dans l’établissement, d’autres ont été donnés par le duc de Beaufort ou achetés à des amateurs, car aucune meute ne se soutiendrait longtemps à une certaine hauteur sans une infusion de sang nouveau. Les diverses parties du chenil sont toutes construites sur le même modèle : il y a seulement plus ou moins de cours et de chambres à coucher (lodging rooms) selon l’importance de la meute. Le seul endroit qu’il nous reste donc à signaler est la salle à manger (feeding room), une sorte de galerie couverte ou de véranda qui court sur toute la longueur du chenil, et où les chiens peuvent prendre leurs repas en plein air, tout en étant abrités du soleil et protégés contre la pluie. On les nourrit une seule fois par jour. Comme c’était justement l’heure du dîner, j’assistai à cette scène, qui ne manquait point d’animation. Une auge de bois très allongée et chargée de farine de gruau était placée au centre de la salle à manger, et de la surface bouillante de la nourriture s’élevait, à travers un nuage de fumée, une odeur qui attira bientôt toute la